Sans conteste l'événement Marvel de ces dernières années, au moins depuis Avengers premier du nom, ce Captain America: Civil War a la tâche d'ouvrir la phase 3 du MCU ; une phase annoncée comme innovante, et vouée à une conclusion stellaire. Il va sans dire qu'après une phase 2 ponctuée de titre solos plus médiocres les uns que les autres (à une exception et demie près), et d'un film réunion tout aussi passable, les films estampillés Disney/Marvel commençaient à franchement lasser. Annoncée il y a maintenant deux ans, l'idée d'orienter le MCU sur la trame du crossover culte Civil War a eu de quoi surprendre au vu du maigre attirail superhéroique à disposition des studios. C'était sans compter sur l'addition surprise de Spider-Man, l'an dernier, reçue avec liesse de la part de tous les fans et qui a assurément ravivé une certaine ferveur envers le film.


Toutefois, même avec l'Homme-Araignée dans les parages - et son rôle central dans les comics - cette itération filmique de Civil War n'est guère à la hauteur de son homologue dessiné. Nommer le long-métrage ainsi n'était donc pas forcément judicieux et aurait pu être gardé pour une adaptation de l'envergure de l’œuvre de Millar et McNiven. Pour autant, l'histoire au cœur du film est intéressante et amplement suffisante à elle-même avec le clivage majeur qui se creuse entre Stark et Rogers. On sent, effectivement, que la "petite" bagarre de l'aéroport n'est qu'un justificatif de taille pour cette soi-disante "Guerre Civile", au sein d'une trame d'ensemble sans cela plutôt bien écrite. C'est tout d'abord le ton plus sérieux qu'à l'accoutumée qui plaît et permet de s'investir aux côtés des personnages, même si l'humour farouche et bon enfant de Marvel ne tarde pas à revenir - pas toujours au meilleur moment pour mesurer la gravité de la situation - mais sans non plus l'excès habituel qui était devenu insupportable. Il y a également eu une vraie attention portée sur l'émotion convoyée tout au long de la progression du film, à tel point qu'on a certaines des scènes les plus poignantes de tout le MCU.


Les frères Russo mettent alors en image une histoire de trahison, de famille, d'amitié, de dévouement, et de morale qui change et trouble les Avengers tour à tour. Un débordement de plus au Nigeria propulse la ratification des accords de Sokovie sur le devant de la scène ; à savoir, pour les superhéros : répondre au gouvernement, ou devenir un justicier hors-la-loi. Profitant de cela, une figure manipulatrice se dresse envers le Soldat de l'Hiver tout particulièrement : le Baron Zemo. Les clans se forment alors, et les frères de superpouvoirs d'hier face aux Chitauris ou à Ultron deviennent ennemis d'aujourd'hui dans une lutte pour la raison. Néanmoins, si Zemo avait été annoncé comme antagoniste, sa présence reste minime mais nécessaire dans un film avant tout centré sur l'opposition entre Iron Man et Captain America. Car c'est bien d'eux qu'il s'agit, en tant que leaders de leurs camps respectifs, ainsi que de Bucky, élément clé du conflit.


Du coup, si on trouvait que Batman V Superman contenait beaucoup de (nouveaux) personnages, Civil War n'échappe pas forcément à cet écueil, même s'il a le mérite d'en proposer une meilleure introduction. Car, soyons francs, Crossbones est vite oublié, Ant-Man est juste là pour le spectacle lors de la bataille principale, tout comme Vision et Hawkeye qui ont aussi droit à une scène annexe. Reste Scarlet Witch, Black Widow, le Faucon et War Machine qui impactent un peu plus l'intrigue et permettent aussi d'élever le niveau émotionnel. Et puis, les deux nouveaux venus : Black Panther et Spider-Man. Pour le premier, il parvient à être judicieusement mis en valeur tout en dévoilant quelques-unes de ses capacités et en posant les bases de son univers, en vue de sa sortie solo en 2018. Tandis que pour le second, autant l'esprit du personnage est respecté - ado nerd et blagueur à tout bout-de-champ - autant son inclusion dénote quelque peu avec la tournure du long-métrage et ne se révèle pas indispensable, servant également à préparer le spectateur à ses aventures solo, l'an prochain. Par contre, le traitement de Tony Stark autre que le playboy cabotinant et amusant la galerie est appréciable, on a enfin une tournure sérieuse et meurtrie du personnage. De quoi faire face à un Steve Rogers sûr de ses convictions envers sa liberté d'action, et un Bucky Barnes qui devient de plus en plus intéressant, notamment pour l'alchimie qu'il a avec Rogers.


On peut dire que tout ce beau monde au casting n'est que mis en valeur lors de l'affrontement majeur à l'aéroport. C'est en effet une des meilleures batailles superhéroiques du cinéma, même si elle a parfois des airs de cour de récréation. Au moins, les frères Russo permettent à pratiquement tous les personnages de dévoiler de nouvelles capacités, que ce soit à travers des gadgets surprenants ou l'évolution étonnante de leurs capacités. Ils jouent également brillamment avec l'esprit d'équipe et donc les combinaisons de pouvoirs et personnages pour dynamiser l'action de belle manière. Il faut dire que l'ensemble de leurs chorégraphies, sur les scènes d'action, sont superbement mises en scène et profitent d'un certain réalisme (la photo froide et brute de Trent Opaloch) qui ne rend les combats que plus viscéraux, en dépit d'une 3D futile. Par ailleurs, le rythme du long-métrage est très bien tenu sur 2h30, ne faisant pas la part belle qu'à ces batailles de pouvoirs et évitant tout autant les temps morts de pur remplissage ; le déroulé de l'intrigue est suffisamment prenant et malin pour captiver. Dommage que la bande-son d'Henry Jackman ne soit pas forcément très mémorable, très moulée sur celles de Bryan Tyler, même si moins boursouflée, et un peu teintée oldschool, façon Elfman.


Captain America: Civil War se révèle donc, sans trop de surprises, comme une des meilleures productions du MCU, notamment pour cette lutte réaliste de l'intérieur entre des figures emblématiques que l'on suit depuis au moins 5 ans - sinon plus pour Iron Man - mais également pour l'évolution que semblent traverser chacun des personnages au sein d'un film excellemment dosé. Certes, le tour du monde qu'offre l'histoire et l’addition expresse de héros costumés ne suffisent pas encore à donner un aperçu efficace de l'envergure vers laquelle cherche à tendre l'univers Marvel dans les prochaines années. Cependant, les frères Russo confirment leur capacité à le faire sortir de sa zone de confort, et si ce troisième volet des aventures de Captain America ne suffit pas à rassurer à 100% sur la qualité future du MCU, il ravive l'espoir de voir d'excellentes œuvres de la part des studios Marvel/Disney, et entame cette phase 3 avec brio.

AntoineRA
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le 29 avr. 2016

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AntoineRA

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