La machine Marvel Studios semble incoercible. Forte du succès plus ou moins grandiloquent de sa "Phase 1" - Avengers jouant la parfaite passerelle vers la "Phase 2" - les studios se sont donc lancés, depuis Iron Man 3, dans une deuxième ère cinématographique convergeant de toutes parts vers le second volet des Avengers, attendu en 2015. Sauf que dans cette fameuse "Phase 1", Captain America : First Avenger reçut un rude (et assez sévère) accueil, la faute à un personnage peut-être trop lisse, et à une époque qui ne plaît pas aux habitués du genre.

La partie était donc loin d'être gagnée d'avance pour les frères Russo, plus habitués des comédies, mais entrant parfaitement dans la lignée des "réalisateurs inconnus" choisie par le studio. Le récit s'ouvre ainsi sur l'après réveil de Cap' et sa réhabilitation au monde 2.0, si éloigné du sien. Le film va d'ailleurs multiplier les crossovers avec le premier volet des aventures du super soldier et nous confirmer qu'il faut maîtriser un minimum l'univers Marvel pour bien saisir tous les détails de l'histoire qui nous est racontée.

Et cette histoire, c'est, bien sûr, celle du Captain qui tente tant bien que mal de s'adapter au XXIème siècle, mais c'est aussi et surtout celle du SHIELD, l'organisation censée protéger les populations grâce à l'aide de super armes et de supers héros. En cette institution - sur laquelle on avait déjà émis quelques réserves lors d'Avengers -, les réalisateurs ont trouvé un parfait prétexte pour dénoncer tous les moyens utilisés par la CIA ou la NSA afin d'assurer la sécurité des populations, faisant écho aux récents scandales Snowden ou autres et posant avec une certaine justesse et un souffle d'éloquence cette terrifiante question : jusqu'où peuvent aller les sacrifices envers nos libertés lorsqu'il s'agit de notre sécurité ?

Grâce à cette question, les deux frères réalisateurs ont pu développer une trame conspirationniste habile et indépendante, plongée dans une ambiance parfois sombre mais jamais totalement dark à la Nolan - une vanne surgissant toujours de nulle part pour aplatir le versant noir de l'action. Entre James Bond et Dartagnan, Captain America a trouvé un juste entre thriller paranoïaque et trip fun, le souffle épique du chevalier patriotique en plus. Ce scénario, à la tension dramatique en forme de courbe sinusoïdale, alterne sans cesse faux-semblants et scènes d'actions, passant sans transitions d'une réunion diplomatique tendue à une impressionnante attaque de 4x4 blindé et trouvera là ses deux atouts majeurs : le casting et les effets spéciaux.

Sauf qu'entre tout cela, notre héros n'a plus vraiment de place pour s'exprimer, et les nombreux seconds rôles - du (très réussi) méchant à la Veuve Noire en passant par le Faucon - ne font qu'accentuer cette impression de profondeur des personnages background contrastant avec l'étonnante simplicité du Captain, qui manque décidément de relief. Quand un Tony Stark joue la carte du narcissisme à fond et qu'un Hulk doit contrôler ses émotions pour ne pas imploser, Steve Rogers demeure un loyal soldat innocent, quasiment naïf, au sens moral en acier. Certes, il incarne alors une valeur sûre et fidèle, ce qui, en des temps où la frontière entre méchants et gentils se veut floue, vaut bien le meilleur des super-pouvoirs, mais force est de constater que cela ne joue pas en sa faveur et en la fameuse "identification" du spectateur au personnage éponyme lancée par Spidey.

Complotiste et travaillée disproportionnellement selon les personnages, le récit de Captain America : Le Soldat de l'hiver reste malin dans ses péripéties et ne néglige aucune punchline lorsqu'il s'agit de s'attarder sur la question des libertés individuelles. S'il ne va pas très loin dans ce sens et qu'il aurait sans doute mérité davantage d'équilibre dans la gestion de sa trame, ce nouvel opus Marvel offre une agréable quantité d'effets spéciaux et de scènes d'action mémorables. Et ça, c'est le cinéma pop-corn dans toute sa grâce.

Créée

le 28 mars 2014

Critique lue 313 fois

4 j'aime

critikapab

Écrit par

Critique lue 313 fois

4

D'autres avis sur Captain America : Le Soldat de l'hiver

Captain America : Le Soldat de l'hiver
Sergent_Pepper
6

Captain igloo 2 : croustillant mais gras

Quand on met le cerveau sur pause pour se noyer dans le popcorn et les effluves numériques, pour peu qu’on joue les règles du jeu, ça peut ne pas être trop désagréable. L’avantage, c’est que les...

le 21 avr. 2014

76 j'aime

13

Captain America : Le Soldat de l'hiver
Hypérion
6

Captain Whedon : les sous fifres Russo

Marvel Studio est décidément une machine bien huilée qui a su parfaitement ferrer le spectateur benêt que je suis dans une série au long cours où les membres de l'équipe des vengeurs se doivent...

le 30 mars 2014

70 j'aime

27

Captain America : Le Soldat de l'hiver
iori
3

Le captain joue au freeze-bee avec un pote

Plus ça va plus je suis critique avec les supers héros. plusieurs hypothèses: 1/ c’est de plus en plus nul 2/ je commence à me lasser 3/ je commence à développer un semblant de sens critique (peu...

Par

le 6 avr. 2014

38 j'aime

5

Du même critique

Interstellar
critikapab
10

InterCeption

Ma critique ne contient pas de spoilers majeurs. Cependant, si vous n’avez pas vu le film, je vous recommande fortement de ne lire la critique qu’après votre séance ; votre expérience sera d’autant...

le 31 oct. 2014

11 j'aime

2

Her
critikapab
10

"I love the way you look at the world"

Un grand silence. 30 secondes de regard vide. Et les lumières qui se rallument. Voilà ce qu'il faut, au mieux, pour revenir à la réalité. Car après l’époustouflant voyage qu'on vient de vivre,...

le 20 mars 2014

10 j'aime

Une merveilleuse histoire du temps
critikapab
4

Grande histoire, petit film

Lorsque l'on consulte la fiche Allociné d'Une merveilleuse histoire du temps et que l'on s'aperçoit qu'une majorité d'acteurs ont pour portrait un carré gris (sauf pour un acteur français totalement...

le 21 janv. 2015

9 j'aime