Carol
6.9
Carol

Film de Todd Haynes (2015)

Carol est un tout. Un talent dans le jeu, un talent dans la réalisation, une intensité rarement vue au cinéma. Cate Blanchett est sublime dans le rôle de l’héroïne éponyme, bourgeoise qui cherche à sortir d’un mariage qui l’étouffe. Je me perdrais volontiers dans ses yeux et me laisserai sans lutter emporter dans ses draps. L’interprétation de Rooney Mara (Therese) est tout aussi remarquable en modeste vendeuse dans un magasin de jouets, aspirant à devenir photographe ; c’est d’ailleurs ce qui lui a valu d’être récompensée au Festival de Cannes par le prix d’interprétation féminine. Et pourquoi, pas Cate Blanchett ? Les deux actrices sont rayonnantes, époustouflantes grâce à leurs capacités à nous convaincre sans avoir besoin de dire un mot, il suffit d’une étincelle dans leurs yeux, d’un éclat sur leurs joues, d’un plissement de lèvres pour nous parler et nous écoutons sans relâche. Leur jeu est théâtral, basé sur les gestes et les expressions de visages. Faire passer les émotions sans parler, c’est sûrement ce qui est le plus difficile dans le métier de comédienne, et c’est là que repose tout leur talent ; elles y arrivent avec grâce en incarnant l’amour interdit lesbien pendant les années 50.


Mais ce talent ne serait rien sans la mise en image incritiquable de Todd Haynes qui parvient à capturer chaque éclat de femme. La force de la caméra est impressionnante, les détails sont filmés avec une finesse envoûtante et on s’immerge dans le film dès les premiers plans. Les mains des femmes, les regards amoureux, les traits du visage suffisent à porter le film à son paroxysme. Tout est bon. On se passerait volontiers des dialogues tant ils n’enlèveraient rien à la beauté du film. Ils ne sont pas obligatoires mais frappants tant ils sont peu importants en quantité, ou peut-être étais-je trop occupée à admirer les images pour écouter le film. Tout n’est que délicatesse. Même les scènes de sexe sont douces et loin d’être vulgaires, elles sont justes. Comme deux femmes qui s’aiment. En parlant des images, les couleurs sont tellement bien faites que l’on s’y croit, nous rentrons dans le New York des années 50 et ses vieilles lumières et vivons dans cette ambiance avec elles.
Malgré l’esthétique parfait de la projection, le travail admirable sur les décors et les costumes, nous n’oublions pas le scandale de certains propos ou actes dénoncés presque innocemment dans ce film. On accepte sans problème ce retour en arrière mais toujours pas l’homophobie primant sur l’amour et la douceur, toujours pas le machisme ignorant de ces hommes qui considèrent les femmes comme des enfants sous leurs ordres. J’ai du intérioriser ma haine pour ne pas avoir envie de refaire le monde sans tous ces intolérants toujours présents. Comment réagir quand on est face aux années 50 pendant lesquelles les psychiatres considèrent l’homosexualité comme une maladie mentale ? Ce serait idéaliste que de dire que tout cela n’appartient qu’au passé et que des propos pareils ne peuvent plus exister.


Quoi qu’il en soit, le film nous fait presque oublié ces entorses à la liberté et l’égalité, jusqu’au bouquet final somptueux de la dernière scène, qui achève le film de la meilleure des manières. L’amour interdit a encore une fois du chien et des choses à défendre et non, le cinéma n’a pas encore fait le tour de ce grand thème, certains parviennent encore à nous surprendre et à nous toucher.

gwennaelle_m
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2016, Mes préférences et Top 10 Films

Créée

le 8 mars 2016

Critique lue 685 fois

8 j'aime

gwennaelle_m

Écrit par

Critique lue 685 fois

8

D'autres avis sur Carol

Carol
Velvetman
8

Two Lovers

Avec cette mise en scène, que ne renierait pas Wong Kar Wai version In the mood for Love, la discrétion des sentiments sied parfaitement à une nomenclature esthétique au souffle court, qui fait...

le 13 janv. 2016

129 j'aime

26

Carol
Sergent_Pepper
8

Very blossom girls.

Un lent mouvement de caméra le long des façades, de celles où se logent ceux qui observent et qui jugent, accompagnait le départ de Carol White qui s’éloignait Loin du Paradis. C’est un mouvement...

le 31 janv. 2016

124 j'aime

7

Carol
JimBo_Lebowski
7

Angel

Il y a 20 ans Todd Haynes choisissait comme ligne de conduite avec Safe puis Far From Heaven de filmer la femme au foyer américaine, de sa capacité à exister dans un milieu ne favorisant pas...

le 12 janv. 2016

52 j'aime

12

Du même critique

Portrait de la jeune fille en feu
gwennaelle_m
10

Une ode à l'amour et à l'art

Article original sur Le Mag du Ciné La compétition a frappé fort hier sur la Croisette. Terrence Malick et Céline Sciamma ont renversé les coeurs avec leurs films respectifs, deux tons différents...

le 21 mai 2019

24 j'aime

5

Une fille facile
gwennaelle_m
4

Un mythe futile sur une femme libre

Critique originale sur Le Mag du ciné Après le sublime Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma qui rendait les femmes gracieuses, enchaîner avec Une fille facile n’était pas chose aisée...

le 21 mai 2019

23 j'aime

4

Réparer les vivants
gwennaelle_m
10

Critique de Réparer les vivants par gwennaelle_m

J’ai rarement vu un film d’une telle beauté portant sur un thème aussi personnel qu’universel qu’est le don d’organe. Les premières scènes nous plongent totalement dans l’univers un peu sacré du...

le 23 oct. 2016

20 j'aime

3