D’apparence soignée, la nouvelle adaptation du premier roman de Stephen King peine à se créer une identité propre et demeure dans l’ombre du Carrie de Brian De Palma.

Le potentiel était pourtant là. Kimberly Peirce, à qui on doit Boys don’t cry, avait tout le loisir de s’appuyer sur les faiblesses de son prédécesseur tout en se distinguant de lui sur les moments forts de l’intrigue. On pouvait reprocher à Brian De Palma de n’avoir su s’attarder assez sur sur le harcèlement dont Carrie est victime au quotidien, puis surtout sur les conséquences du cataclysme causé par la jeune fille. Mais le réalisateur avait fait preuve d’une inventivité si efficace, tout en restant fidèle aux écrits du King, que son film détient depuis 37 ans le rang d’oeuvre culte.

Mais Carrie, La vengeance n’ose pas. Sans sombrer dans la mélasse édulcorée, il est clair que la production prend le pas sur la réalisation, axant ses efforts pour attirer une communauté globalement adolescente et sans réellement se soucier des fans de la première heure. Pendant la quasi-totalité du film, nous avons droit à un remake quasiment plan par plan du Carrie de De Palma, qui pourtant prenait quelques libertés vis-à-vis de l’eouvre de Stephen King. Il semblerait que le scénariste planchant sur cette nouvelle adaptation n’ait pas eu le loisir de laisser sa créativité s’exprimer, que ce soit du côté des dialogues ou de l’enchaînement des événements. Quant à Kimberly Peirce, n’avait-elle pas une vision particulière à offrir ?

Les points de différences consisteront en partie à rajeunir le film, y glissant quelques éléments de culture populaire au XXIème siècle – téléphone portable, YouTube – mais sans pour autant creuser cette direction de manière intéressante. Même le dispensable Carrie 2 : la haine semble avoir inspiré par son utilisation du support vidéo afin d’empirer l’humiliation subie par l’héroïne. D’autre part, on notera plus de dissemblances bienvenues dans le dernier tiers du film.

Mais non content de rester dans l’ombre de Carrie au bal du diable, Carrie, La vengeance n’en améliore pas les faiblesses – on lui accordera simplement de traiter plus longtemps la sanglante scène du gymnase. En particulier, au lieu de pousser plus loin le malaise ressenti lors des interactions entre Carrie et sa mère, Kimberly Peirce choisit de l’adoucir. Un parti pris conscient ou non renforcé par le jeu des actrices, beaucoup moins convaincantes que Sissi Spacek et Piper Laurie en leur temps. Exit l’inexorable froideur d’une mère hallucinée dont le jeu grandiloquent n’est que pâlement reproduit par Julianne Moore. On retrouvera même des gestes de tendresse envers sa fille, ce qui aurait pu être intéressant par contraste mais se contente de rendre leur relation plus tempérée.

Chloë Moretz, nouvelle chérie du cinéma américain un peu barge – d’Amityville à Kick-Ass 2 – colle difficilement au personnage. Il faut l’avouer : elle n’est pas assez bizarre et son physique est loin d’être atypique. Au mieux, sa timidité est adorable plus qu’effrayante. Alors certes, l’empathie est là lors des scènes de harcèlement – plus par antipathie pour son ennemie Chris, la garce si bien incarnée par Portia Doubleday – mais le cataclysme final manque de crédibilité car la demoiselle n’est pas effrayante pour un sou. Il faut avouer que Sissi Spacek avait ce masque de folie totale (les yeux !), renforcé par une mise en scène fabuleuse. Et enfin, le choix actuel de lui faire utiliser ses mains pour contrôler son environnement rend le procédé parfois ridicule.

Mais les défauts de Carrie, la vengeance ne sont pleinement mis en lumière que par la connaissance de ce qui a été fait auparavant. Pour un néophyte n’ayant pas vu Carrie au bal du diable, le film de Kimberly Peirce est un divertissement bien mené, avec une héroïne attachante, des personnages secondaires intéressants et un rythme prenant, qui ne mérite pas d’être qualifié de navet. Une adaptation propre, qui pâtit de son manque d’indépendance.
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le 29 nov. 2013

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