John Erick Dowdle continue de s'enfoncer

Je ne vous le cache pas : j'ai un secret. Un secret qui m'empêche, en général, de mater des vieux navets pourris dans le domaine de l'horreur.


Si je peux voir les affiches d'un film d'horreur dans les couloirs du métro, c'est que c'est sûrement pourri. Du coup, quand j'ai vu les affiches pour Catacombes il y a quelques années, j'ai automatiquement décidé de ne jamais le voir.


Puis, sous la pression sociale (ma mère, en fait), je me suis retrouvé à regarder Catacombes, hier après-midi.


Premier constat : c'est du "faux" found footage. La vidéo a été remontée, coupée, arrangée, afin de rendre le tout cinématographique. De ce point de vue, le modèle à suivre reste The Blair Witch Project, mais [REC] s'en sortait très bien aussi, et reste le maître étalon du cinéma d'horreur moderne : on voit exactement ce que le protagoniste a filmé, les seules coupes sont les moments où la caméra a été coupé. Cela renforce l'immersion, ainsi que le sentiment de réalité que le found footage est censé donner (c'est même son seul intérêt) : on a l'impression de visionner ce que les protagonistes ont laissé derrière eux, leur ultime témoignage, un joyaux brut avec ses qualités et ses défauts.


Dans Catacombes, tout est poli, travaillé, on a de jolis plans américains, du montage, on entend bien, on voit bien, sauf... Des fois. Des fois, la personne qui s'est occupé du montage (on ne nous explique jamais vraiment qui et pourquoi, contrairement à un Diary of the Dead, ou encore The Bay) a laissé des passages incompréhensibles, trop brefs pour y voir quoi que ce soit, avec des choses inaudibles et invisibles. Du coup, on ne comprend pas la démarche ; Ceci colle avec l'ensemble de l'oeuvre puisqu'à aucun moment on ne nous explique pourquoi on regarde ce film, qu'est-ce que son auteur (dans la diégèse du film, donc celui qui a tourné les images dans le film) veut nous montrer : les dangers des Catacombes ? Son périple pour retrouver la pierre philosophale ? Pourquoi ses compagnons se sont fait tuer ? Etc.


Les plans de caméra impossibles (par exemple, tournée vers l'arrière et immobile dans un tunnel où l'on ne peut qu'avancer, les personnages "dépassant" la caméra comme si elle était posée bêtement au sol...) brisent la suspension consentie de l'incrédulité, on n'a plus l'impression de voir des gens en train de se filmer, on n'est plus prêt à faire des efforts pour accepter la logique interne du film, du coup la seule bonne idée du film s'évapore.


Pour le reste, John Erick Dowdle, déjà responsable des très mauvais Devil et du remake de [REC], Quarantine, invente le concept de non-film.
Pour qu'un film de survie en milieu hostile fonctionne, je dirais qu'il faut l'un des deux éléments suivants :
- Soit les personnages sont intéressants, leur quête est claire et surtout leurs motivations nous paraissent justifiées, et justifient leurs actes ou leur détermination (par exemple, dans l'excellent 10, Cloverfield Lane, on nous montre depuis le début que l'héroïne a toujours fui ses problèmes, et au moment où elle se bouge le cul pour aller de l'avant, on comprend qu'elle veut justement changer cette tendance à la fuite qui la caractérise, et on excuse tout à fait de la voir faire des choses autrement impensables ou très risquées).



  • Soit le lieu qu'ils explorent est intéressant, on comprend les règles internes du lieu, ou on se prend à l'admirer, on sait ce qu'il faut faire ou ne pas faire, comment réagissent les assaillants, comment s'en débarrasser, par exemple. L'exemple typique pourrait ici être Massacre à la Tronçonneuse avec sa famille de dégénérés dont la folie nous hypnotise au point d'accepter l'aspect "morceau de viande à découper" des jeunes qui se font trucider.


Dans Catacombes, que nenni, aucun des deux : on ne comprend strictement rien aux lieux (rien n'est expliqué, qui les attaque, pourquoi, et même la plupart du temps, comment ?), et les personnages enchaînent les réactions incompréhensibles du début à la fin. L'héroïne, insupportable, n'est pas suffisamment développée pour que l'on comprenne à quel point sa quête de la pierre la pousse à réaliser des actions héroïques, on mentionne platement quelque chose avec son père, mais ce n'est pas assez.


Quand un type disparu depuis deux ans dans les Catacombes refait surface en pleine santé sans répondre à leurs questions (genre "t'étais pas censé être mort depuis deux ans ?") les personnages se contentent de le suivre sans réfléchir...


La seule bonne idée, que je mets en spoiler :


le "renversement" du cheminement qui les fait remonter alors qu'ils continuent se s'enfoncer, conformément à la prédiction "ce qui était en bas sera en haut" (un truc du genre)


est également mal amenée et globalement incompréhensible. Dommage.


Au niveau des points positifs, on ne peut que saluer la bande d'acteurs, car aucun n'est franchement désagréable, à part peut-être l'héroïne Scarlett, mais c'est surtout son personnage qui est difficile à supporter. L'idée de mêler du fantastique (la recherche de la pierre philosophale) à l'horreur est bonne, j'ai même été surpris car ne connaissant pas du tout l'histoire du film. Malheureusement, c'est l'emboîtement des deux qui est bancal, j'aurais presque préféré une enquête, qui rappelle les histoires de Carl Barks et n'est pas dénuée de sens et de rebondissements, ou un film d'horreur beaucoup plus simple où des jeunes descendraient dans les catacombes de Paris et se feraient trucider par des monstres, une secte, des hommes-taupes, que sais-je encore.


Dans ce ratage, les Catacombes de Paris ne sont qu'un prétexte à situer l'histoire, mais n'apportent rien. Le même film pourrait prendre place dans une pyramide, une grotte, un village de péquenots, sans y perdre quoi que ce soit.


Je ne recommande donc à personne le visionnage de ce triste Catacombes...


Emzy

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le 27 août 2016

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