Dans Ce que cette nature te dit, Hong Sang-soo évoque la présentation d'un petit copain (un jeune poète) à la belle-famille.
Il met d'abord en place une atmosphère accueillante, simple, avant de laisser s’infiltrer une tension douce mais de plus en plus persistante. Rien d’excessif, rien de criard : juste ce petit malaise que l’on connaît trop bien lorsqu’on arrive dans une belle-famille qui nous jauge discrètement.
On ressent, à travers le protagoniste, ces éternels questions dans ce moment là : qu'est ce je dois dire, faire, est ce que je peux faire ci ou ça.
HSS filme le vrai : les rictus de politesse, les salutations un peu trop appuyées, les silences où chacun attend que l’autre dise enfin quelque chose. Le père, surtout, est irrésistible de fausse bonhomie : il fait le malin (la première scène où il teste la voiture du gendre haha), raconte des anecdotes sans importance, puis glisse une question un peu piquante, juste pour tester le jeune poète.
Derrière cette comédie sociale se cache, comme souvent chez HSS, une étude de classe simple, qui n'est jamais lourde. Ici, la néo-bourgeoisie qui a réussi, la vieille génération encore coincée dans ses codes, et au milieu Donghwa, poète idéaliste mais dépendant de l’argent de papa (!). HSS ne juge personne, mais il expose les contradictions avec, j'en suis sur, un malin plaisir. La maison familiale et son immense terrain deviennent même une sorte de territoire mental : vaste le jour, presque étouffant la nuit, comme si la nature elle-même observait les personnages.
Ce que j'aime chez HSS aussi, c'est l’art de capter un sentiment derrière une phrase anodine : une remarque en passant, une micro-réaction, et tout bascule. La scène du dîner, où les langues se délient sous l’effet de l’alcool, en est un parfait exemple et typique de son cinéma. Les tensions se relâchent, l’ironie circule, et chacun révèle un fragment de lui-même sans vraiment s’en rendre compte. Le repas du soir (ou même le jugement des parents qui suit) en est une belle illustration, et quelle apothéose : l'énervement lorsqu'on évoque la relation avec le père, la petite pique gratuite du beau-père (il ne tient pas l'alcool), l'autre qui s'écroule lamentablement. Et c'est filmé si simplement, avec un plan fixe permettant de voir tout le monde, de regarder la table qui évolue au fur et à mesure et les réactions des uns et des autres, surtout ceux qui sont discrets d'ailleurs, c'est beau.
Le film emprunte parfois un flou visuel rappelant In Water, que j'associe, simplement, comme une façon de filmer que la vérité des uns et des autres n'est jamais vraiment nette.
Au final, Ce que cette nature te dit est une tranche de vie discrète mais passionnante, drôle aussi, plus qu'à l'accoutumée des HSS, un film qui joue avec le réel comme avec la lumière du jour et de la nuit.