Dans le nouveau film de Michael Hers, on retrouve Anders Danielsen Lie. Depuis le début de sa carrière, il n'est pas un simple acteur. Il est un phénomène assez rare dans l'histoire du cinéma. Il incarne un effet de montage. Une partie de la grammaire cinématographique. Avec son visage sage sans aspérités, il est la plaque sensible parfaite de l'effet Koulechov. Son jeu se limite à une seule expression, une mine stoïque, que l'on pense deviner triste. Son visage paraît être né pour ça. Comme celui de Bill Murray est fait pour incarner la dépression. Les énigmatiques yeux d'Anders apportent la part d'abstraction qui fait la modernité du geste. Avant, cet effet de style russe apportait une réponse. On voyait un acteur, puis un poulet rôti, l'acteur avait faim. On voyait un acteur, puis une femme, l'acteur avait faim. Maintenant ce qui se dresse devant ses yeux, ce n'est plus une réponse, mais un doute.


Déjà, dans Oslo 31 août il engageait sa mono expression pour incarner un junky qui rentrait de cure de désintoxication. Dans les vapeurs des nuits nordiques, il était confronté aux fantômes de sa vie antérieure, les tentations lui tendaient les bras. À chaque fois, un plan avec au centre ses yeux comme deux billes de doute, auquel s'ajoutait un plan sur tout ce qui lui a manqué en cure. Une fille trop blonde, un alcool trop fort, un pote trop camé. Mais impossible de savoir si pénétrer ce contrechamp c'est reprendre goût à la vie ou en éviter les pièges.
Dans Ce sentiment de l'été, il doit faire face à la perte de sa compagne. On voit l'évolution du deuil durant les trois étés qui suivent la mort. Du sien évidemment, mais aussi celui de la soeur de la jeune femme, Zoé et de leurs parents. Sa vie éparpillée géographiquement entre New York sa ville natale, Paris ou il a rencontré sa femme et Berlin ou il vit. Avec le minimum de mots, des larmes retenues impossibles de dire s'il se remet ou pas. Avec son visage impassible auquel se collent les villes comme des tableaux abstraits, il reste une énigme. Qu'en pense-t-il de ces cités qui s'étendent sous ses yeux ? À force l'effet Koulechov se dispense du contre champ. Il est compris dans le paysage urbain qui défile au second plan. La question et son absence de réponse sont réunies.


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Limaginarium
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le 29 févr. 2016

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