Manques Dans Train

Celles Qu'on a Pas Eues est un film à sketchs sorti au début des années 80 et un peu tombé dans l'oubli ce qui est fort dommage tant le film est une jolie petite réussite du genre (si tenter que ça en soit un). Le film qui fera polémique à sa sortie à cause de sa pourtant très belle affiche signée Roland Topor est réalisé par Pascal Thomas qui retrouve pour l'occasion son scénariste Roland Duval et une bande de comédiens habitués à travailler avec lui depuis les années 70.

Celles Qu'on a Pas Eues nous raconte l'histoire multiple de plusieurs hommes qui se retrouvent dans un compartiment de train le temps d'un voyage et qui pour passer le temps se racontent des histoires sentimentales le plus souvent ratées.

Comme presque tout film à sketchs Celles Qu'on a Pas Eues est assez inégal mais il reste parfaitement bien construit dans le sens ou aucun segment ne vient vraiment plombé l'ensemble et que le film parvient à se renouveler continuellement dans le ton et les univers des différentes histoires proposées. Et surtout en dehors des différents récits ce compartiment de train est très vivant avec les différents personnages qui réagissent et commentent les histoires des autres avec bienveillance ou de manière plus critique. Certain quitte le wagon, d'autres arrivent et une dame va même faire un aller retour, elle s'en va d'abord choquée par le comportement d'un des protagoniste avant de revenir en déclarant que les histoires sentimentales un peu foireuses de ces messieurs sont autrement plus amusantes que les conversations barbantes des wagons voisins. Et puis quand on sait que dans le wagon se trouve Michel Aumont, Daniel Ceccaldi, Bernard Menez, Jacques François, Michel Galabru et Jean Claude Martin on se doute que le voyage ne va pas être trop désagréable non plus.

Le film a la bonne idée de commencer par le sketch peut être le moins réussis quoi que tout à fait agréable et plaisant. On y suit les pérégrinations nocturnes d'un bon père de famille (Michel Aumont) qui s'emmerde en vacances et qui se retrouve fasciné par une mystérieuse pianiste qu'il rencontre lorsqu'il rentre tard du casino. Le petit jeu entre la froide et énigmatique pianiste et ce mari en quête d'aventures est relativement amusante jusqu'à sa conclusion assez inattendue. Le film enchaîne ensuite avec le plus court et le plus long sketch du film tout deux sur un registre de pure comédie. Dans le premier Jean Claude Martin nous livre le tordant récit de sa courte relation avec une vendeuse de parfum et son chien Bounouche. Ensuite le film nous convie aux mésaventures d'un vil dragueur maladroit et poissard interprété (forcément par Bernard Menez), le sketch est divisé en deux parties assez distinctes qui auraient presque méritées d'être scindé en deux sketchs différents pour un personnage de plus. Dans un premier temps Robert (Bernard Menez donc) s'embarque pour un vol histoire de séduire une hôtesse de l'air croisée dans un surprise party, mais le vol va virer au cauchemar à cause d'un horrible gamin bien tête à claques assis à côté de lui. Puis dans un second temps ce même Robert va séduire une jeune fille peu farouche qui exprime de manière bruyante et particulière son plaisir, les deux récits révélant la même maladresse de ce petit dragueur malhabile. C'est ensuite à Emile Loubignac petit bourgeois tout en verve interprété par un Michel Galabru très en forme de raconter un récit de chasse à cour visant à officialiser une relation intéressée entre son fiston un peu benêt et une bourgeoise célibataire. Le récit suivant dictée par la voix de Jacques François raconte l'histoire d'un petit thanatopracteur interprété par Jean Pierre Daroussin qui va réveiller une morte et ses désirs sexuelles. Le court récit dans lequel Roland Topor fait une courte apparition est filmé dans un très joli noir et blanc et offre une ambiance légèrement fantastique . Puis le film se termine (sans retour dans le wagon) sur l'histoire d'un jeune garçon envoyé à la campagne durant la libération et fou amoureux d'une adolescente provocante et peu pudique. Bercé par la musique mélancolique de Vladimir Cosma ce court récit est une douce et mélancolique ballade dans les cruels jeux amoureux de l'enfance qui laissent des traces indélébiles entre douceur, innocence et provocation. Un court récit qui parvient à capter toutes les beautés et les médiocrité dont sont capables les cœurs des hommes éperdument amoureux.

Sans charger grossièrement le trait jusqu'à la caricature comme ces films voulant absolument démontrer quelque chose, Celles Qu'on a Pas Eues dresse un portrait à la fois touchant et peu reluisant des faiblesses des hommes et de leurs incapacités parfois chronique à vivre pleinement leur sentiments, le tout dans un film à sketchs enlevé qui va du sourire aux larmes. Maladroits, un peu lâche, manipulateurs et un peu perdus, le film de Pascal Thomas n'est pas dénué non plus d'une grande tendresse pour ses personnages imparfaits, ce qui fait de ce film injustement un peu oublié un très bon divertissement.