Je trouve le cadre très étonnant de la part de Jules Dassin, seulement 7 ans après "Les Forbans de la nuit" (Night and the City), là où "Du rififi chez les hommes" pouvait se concevoir comme une transition après son exil des États-Unis. Un film de campagne, situé au début des années 20 et consacré au conflit gréco-turc ainsi qu'à des querelles de clocher (dans tous les sens du terme), tournant le dos au film noir qui ont fait sa réputation. Et dans le même temps, je trouve ça dommage que l'ambiance soit aussi théâtrale, avec une direction d'acteur très rigide et des textes à mi-chemin entre la récitation et la déclamation, car cela m'aurait presque entièrement bouffé le visionnage, déjà pas aidé en cela par la post-production typique des coréalisations franco-italiennes de l'époque.


"Celui qui doit mourir" porte sur la persécution des peuples grecs par les Turcs, c'est la charpente apparente qui sous-tend les enjeux (avec en prime une belle caricature de tyran turc à moustache bien huilée), quelque part dans une région d'Asie mineure, mais ce sera surtout un tremplin pour établir un discours sur la manipulation des ouailles et l'exercice d'un pouvoir religieux très despotique. On suit un groupe d'exilés grecs cherchant refuge se heurtant à l'accueil fort peu chaleureux du pope du coin, ce dernier ne les acceptant pas dans son village et opposant une non-assistance à ces pauvres hères sous prétexte d'un choléra inventé.


Il y a deux films en réalité, le premier sur les rapports de domination des églises, avec le chef de meute qui entend bien préserver son pouvoir et les brebis qui suivent, et le second sur une reconstitution d'une scène religieuse (une forme de pièce de théâtre) qui, en conférant des rôles spécifiques à plusieurs habitants, transformera leur comportement. C'est notamment le cas du bègue supposé jouer Jésus qui bénéficiera de quelques miracles et d'un rôle de martyr assez évident — le film n'est à ce titre pas exempt de lourdeurs illustratives. Les paraboles bibliques ne me parlent que très rarement, en conséquence cette histoire me paraît plus proche de l'exercice de style étrange que de l'ode à la résistance dans un microcosme particulier. Je retiendrai surtout des détails, comme Roger Hanin en brute avinée pas contente quand on lui dit qu'il devra jouer Judas (ainsi que Melina Mercouri et Maurice Ronet). Le discours sur le sort des réfugiés et la trahison des puissants est phagocyté par cette théâtralité et l'absence de subtilité.

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le 18 juil. 2023

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Morrinson

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