Premier film pour la jeune réalisatrice britannique Prano Bailey-Bond, Censor est un film dont j'espérais beaucoup dans la mesure ou il avait pour toile de fond la censure dans l'Angleterre des années 80 lorsque le marché de la VHS avait submergé le pays de films d'horreur et violents et que le gouvernement avait décidé de sortir les ciseaux de la censure voir le couperet de l'interdiction complète donnant naissance aux fameuses vidéos nasties. Malheureusement Censor est loin d'être le film que j'attendais et Prano Bailey-Bond semblera même au final se prendre les pieds dans le tapis pour finir par presque cautionner ce que j'aurai espérer voir dénoncer avec plus de force et de véhémence.


Censor c'est donc l'histoire de Enid une jeune femme qui travaille pour le comité de censure britannique. Son travail consiste donc à regarder des films d'horreur pour en établir la classification, les coupes voir l'interdiction pure et simple. Hantée par un traumatisme personnel la jeune femme va croire reconnaître sa sœur disparue dans un film d'horreur.


Censor débute plutôt bien , le film pose son contexte, son ambiance et son personnage avec une réelle efficacité. Dans l'Angleterre de miss Maggie rongée par une forme de précarité sociale on s'interroge donc sur la corrélation entre délinquance , violence et la consommation toute nouvelle de films d'horreur avec le marché de la VHS. C'est dans ce cadre que Enid, femme à l'apparence rigide et austère, tente en compagnie d'autres personnes de purger les films de leurs scènes les plus problématiques tout en s'interrogeant sur la dangerosité de ce qu'elles représentent. Tout sonne alors parfaitement juste, le film échappe aux clichés de la censure aveugle à travers le personnage d'Enid et le film commence à construire un tissus d'interrogations pertinentes sur l'éventuelle nocivité des images violentes sans les déconnecter d'une réalité sociale plus globale. Et lorsque un tueur amnésique défraie la chronique en ayant mangé le visage de sa femme comme dans un film que Enid n'a pas interdit, Censor semble s'orienter vers un thriller sur la responsabilité et le sentiment de culpabilité tout en fustigeant un cirque médiatico socilogico-politique toujours plus prompt à accuser les fictions plutôt que de se plonger dans la réalité qui engendre les pires violences. On nous montre également la fragilité psychologique de Enid traumatisée par la disparition de sa sœur alors qu'elle n'était qu'une enfant et c'est bien là que commence le début de la fin du film.


Lorsque Enid pense reconnaître sa sœur dans un film dont elle rencontre par hasard le producteur qui semble être un gros lourdingue à la Weinstein et que du même coup elle s'enfonce dans l'obsession de la retrouver en infiltrant un tournage d'un obscur réalisateur, le film part un peu en sucette. Même si l'ensemble reste correctement mis en scène avec une évidente influence du giallo et que la comédienne Niamh Algar reste des plus convaincante on sent que ce n'est pas vraiment pour le meilleur que le film vire au thriller psychologique. Et là je décroche tout doucement à mesure que l'intérêt du film commence à se diluer lentement entre la réalité , les fantasmes, la fiction et les obsessions du personnages avec en arrière plan l'idée que sa sœur aurait pu être enlevé pour tourner des films d'horreur, voir des snuff movies. Je ne sais pas trop ce que voulait démontrer la réalisatrice Prano Bailey-Bond mais j'ai la sensation qu'elle s'est un prise les pieds dans le tapis tout d'abord en exposant qu'un tournage de film d'horreur est affaire de tordus pas très drôles et surtout à travers le personnage de Enid qui montre assez clairement que effectivement l'abus d'images violentes peuvent pousser les esprits les plus fragiles à perdre pieds et même sombrer dans la violence. Même si le tout dernier acte plutôt ironique et inquiétant sauve presque le film c'est déjà trop tard pour moi. En brouillant les piste entre fiction et réalité, en décrivant de manière assez caricaturale une production horrifique et en perdant la raison de son personnage principale, Prano Bailey-Bond foire tout simplement l'extraordinaire potentiel de son film.


Censor est donc une grosse déception tant j'espérais une réflexion plus profonde et perturbante sur les questions de la censure et l'impact des images violentes et dégradantes sur celles et ceux qui doivent paradoxalement les regarder au nom de la bonne morale afin de soit disant nous protéger.

freddyK
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le 6 févr. 2022

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