Alice White,fille de commerçants londoniens,passe la soirée avec son fiancé l'inspecteur de police Frank Weber.Mais la nana est une dinde écervelée et capricieuse qui exaspère tellement son mec qu'il la plante là.Ce qui arrange bien la gourgandine,qui s'empresse de partir en compagnie d'un artiste-peintre qui la drague depuis un moment.Elle suit l'homme chez lui et,après qu'elle l'ait bien chauffé,se refuse lorsqu'il veut conclure.Le type tente alors de la violer,mais Alice saisit un couteau et le tue.Frank est chargé de l'enquête sur ce meurtre et découvre rapidement que sa petite amie est la coupable.Il décide de la couvrir mais il n'est pas le seul à être au courant car Tracy,un traîne-latte du quartier,sait que la belle était sur le lieu du crime et veut la faire chanter.En cette fin des années 20,le cinéma est en train de basculer du muet au parlant,et "Blackmail" se situe juste à la jointure.Alfred Hitchcock entreprend le film sans savoir si ses producteurs voudront le sortir avec ou sans paroles.En attendant il le tourne en version muette,mais finalement la prod se décide pour le parlant,ce qui va forcer le cinéaste à un numéro d'équilibriste virtuose.Il concocte un savant mélange en laissant certaines scènes muettes et en inventant quasiment la post-synchronisation pour mettre des dialogues là où il n'y en avait pas,sélectionnant les scènes en fonction de la position des acteurs,afin que les décalages avec les mouvements des lèvres ne se voient pas trop.Il doit en outre faire face à un autre problème,sa vedette Anny Ondra,actrice tchèque à fort accent slave,ne pouvant se doubler elle-même,ce qui nécessitera la participation d'une autre comédienne en doublure voix.Malgré tout ça prend et le film est homogène,en dépit d'une curieuse fracture entre un début muet suivi d'une suite parlante.Pour le reste ce n'est pas encore le grand Hitch,mais on sent déjà la patte du futur géant du cinéma qu'il deviendra.Il est ici réalisateur et scénariste,adaptant une pièce de Charles Bennett.Son talent à filmer est évident,avec le déroulement imparable d'une mise en scène précise et inspirée qui évite le piège du théâtre filmé et nous trimballe sans rupture de rythme à travers une ville de Londres montrée sous toutes les coutures.La profondeur de champ fait merveille et le sens du plan de Sir Alfred suscite des images fantastiques,comme cette incroyable poursuite à travers le British Museum qui se terminera sur le toit du monument.La photo de Jack E. Cox,qui a collaboré douze fois avec Hitch lors de sa période anglaise,est superbe et tient magnifiquement le coup presque cent ans après.Sur le plan thématique,on décèle ce traitement du polar qui fera la renommée du réalisateur.Meurtre,suspense,personnages pris dans des pièges inextricables,humour noir,érotisme latent,intrigue vicieuse à double détente,retournement de situation,personnages tourmentés,tout est là et n'attend que des projets plus substantiels pour s'épanouir totalement.Il faut voir le père d'Alice accueillir chaleureusement Frank dans sa boutique en proclamant qu'il espère qu'il va trouver le coupable,devant sa fille traumatisée et le flic qui sait tout,le brave homme étant le seul à ignorer la sinistre vérité.Anny Ondra,star de l'époque,est très jolie et plutôt bonne actrice,donnant du volume au stress d'une héroïne idiote qui n'arrive pas à assumer son geste.C'est son deuxième et dernier film anglais,le précédent étant le mélo "The Manxman",déjà avec Hitchcock dont ce fut la dernière oeuvre muette.Elle préfigure les futures blondes hitchcockiennes,même si la bêtise et la vulgarité de la fille du peuple qu'elle incarne sont assez éloignées du glamour des Grace Kelly,Tippi Hedren ou Kim Novak qui lui succèderont.Le beau gosse viril John Longden,cinq Hitch au compteur,assure solidement en policier amoureux prêt à tout pour sauver sa dulcinée,même si elle ne le mérite pas vraiment.Donald Calthrop,qui a lui fait quatre Hitchcock,est saisissant et plus vrai que nature en raclure de maître-chanteur d'une incommensurable veulerie.Cyril Ritchard,le violeur assassiné,a une très sale tronche et manque de présence.Et puis Alfred effectuait déjà ses caméos drôlatiques,ici en passager du métro salement importuné par un gamin insolent.Notes et critiques de films d'Alfred Hitchcock publiées précédemment:"Quatre de l'espionnage"-6,"Junon et le paon"-4.Moyenne:5,6.

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le 27 juil. 2025

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