Dire que j'aime ce film serait un doux euphémisme.
J'ai été obsédée par ce film à une époque. Au point que, à l'âge de 8 ans, durant un été désespérant car enfermée à la maison pour cause d'accident de vélo, je l'ai vu 8 fois en une seule journée.
Autant dire que ma famille ne m'a jamais laissé oublier et encore aujourd'hui, j'ai droit à des réflexions dès qu'il pleut.


Chantons sous la pluie est à la comédie musicale américaine ce que le chou à la crème est à la pâtisserie française: la quintessence même.


Dans les années 20, la star Don Lockwood, charmant et un peu imbu de lui même, règne sur le cinéma d'aventure romantique d'Hollywood en compagnie de sa partenaire de choix, Lina Lamont, blonde peroxydée sculpturale. Il rencontre la jeune danseuse Kathy Selden dont il va tomber follement amoureux.
Le parlant arrivant, en compagnie de son inséparable ami, musicien de studio, Cosmo Brown, Don va devoir sauver sa carrière, conquérir Kathy et surtout éviter la collante et pas si bête Lina à la voix de crécelle.


Sur ce prémisse totalement meta, et dieu sait qu'Hollywood aime se regarder le nombril, la comédie se déploie avec bonheur, enfilant comme des perles les numéros musicaux d'anthologie.
En premier, le mythique et iconique "Singing in the Rain" où Gene Kelly danse et chante sous la pluie comme jamais. La scène est poétique, touchante et charmante et Kelly est à son top. Peut être pas sa danse la plus complexe mais certainement la plus impactante. Et la chanson est devenue un standard incontournable. Voir Gene gambader dans la rue et sauter dans les flaques est un moment de pure joie.
Comme le sont également "Good Morning", au parcours périlleux, "Moses Supposes" où il est rejoint par un Donald O'Connor qui relève le défi d'exister à côté de Gene et bien sûr "Make Them Laugh" où tout le talent de Donald éclabousse l'écran : un numéro entré au panthéon du comique et de la danse.
Reste les numéros plus romantiques comme "You were ment for me" tout en douceur ou bien "Beautiful Girls", hommage non déguisé aux premiers musicals.
Car en effet, dès que le cinéma a pu parler, il a tout naturellement chanté et dansé, d'où, le gros numéro spectaculaire du milieu de film "Broadway Melody", évocation directe du premier film musical tourné en 1929 et qui reprenait le principe de la revue (il verra au cours des années plusieurs itérations se succéder, dont celle de 1930 qui sera le premier film entièrement sonore de l'histoire du cinéma).
Ce numéro entièrement musical fait une pose au milieu du film mais reste intrinsèquement dans son thème et voit l'apparition toute de vert vêtue d'une jeune et envoutante Cid Charisse qui démontre ici tout son talent dans un premier rôle muet mais marquant. D'autre part, on peut voir dans ce numéro un résumé de tout le film avec l'arrivée pleine d'espoir du jeune héros (Don) et sa désillusion par rapport à l'industrie.


Le technicolor est comme il se doit glorieux et le casting est impeccable.
Gene Kelly comme dit est au sommet de son art et maîtrise le personnage, qui est un peu sa marque de fabrique.
Donald O'Connor lui vole presque ses scènes avec humour et charisme. Il a obtenu le prix d'interprétation au Golden Globes pour ce rôle, et c'est mérité.
Debby Reynolds est lumineuse et charmante dans son premier grand rôle à tout juste 18 ans.
Jean Hagen est absolument mémorable en actrice odieuse, à la voix insupportable, totalement mégalo et au final une méchante d'excellent calibre. Voilà une actrice qui aujourd'hui a perdu de son éclat mais qu'il est bon de retrouver : elle apporte toujours beaucoup de talent à un casting. C'est mon personnage préféré, bien sûr.
Rita Moreno fait un apparition éclair en Zelda Zanders, star pétillante du muet.
Et Millard Mitchell conclut les rôles les plus importants avec classe et bonhommie.


Stanley Donen et Gene Kelly livrent une mise en scène et une réalisation fluide et nerveuse, sans temps mort et à l'humour parfaitement dosé.


On retrouve aussi au cours du film, avec plaisir, l'ambiance des sets de cinéma, comment les films étaient fait au temps du muet, comment un gars sans formation, sans connexion pouvait passer la porte, devenir technicien ou cascadeur et se retrouver avec un premier rôle, potentiellement dans la même journée. On voit comment le cinéma était une mine d'or pour tout un chacun, un rêve américain à lui tout seul.
On voit aussi les magouilles, les histoires montées de toute pièces pour la publicité, les cv fabriqués pour rendre les acteurs plus extraordinaires ou exotiques, puis après les doublages d'acteurs dont la voix n'était pas au niveau de leur physique. Ironie des ironies, Jean Hagen double Debbie Reynolds quand Kathy double Lina dans le Dancing Cavalier - Debbie qui sera aussi doublée pour les chansons sa voix n'étant pas jugée assez sexy. L'usine à rêve tourne à plein régime.
On voit comment l'arrivée du parlant a redistribué les cartes à Hollywood, amenant tout un nouveau groupe d'acteurs sur les écrans, les acteurs de théâtre et de music hall.
Un pas décisif vers une industrie où il fallait faire ses preuves et pas seulement être joli(e) ou photogénique (on en aura encore, remarquez bien, des jolies brêles avec des gros rôles). Beaucoup de stars ont disparues, incapable de convaincre avec la parole. Rare sont les Greta Garbo qui ont survécues malgré leur fort accent par exemple.


Chantons sous la pluie, s'il ne cherche qu'à distraire et y parvient haut la main, touche aussi à l'essence de son industrie et jette un regard qui n'est pas sans critique sur son propre monde. Un regard affectueux et plein d'humour mais réaliste aussi. Une lettre d'amour au cinéma donc, mais pas un amour aveugle pour l'industrie du cinéma.


Ce qui en fait, en plus de tout le reste, un film intelligent.
Une perle donc que cette comédie musicale passée au panthéon du cinéma et ce n'est pas moi qui l'en sortirai, ce film est n° 3 dans mon Top 10.

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le 14 oct. 2020

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Anilegna

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