Les miracles existent. Moi qui me suis toujours demandé l'utilité du genre de la comédie musicale et qui était loin d'apprécier le genre, s'attaquer à Chantons sous la pluie, en dépit de la formidable réputation qui le suit, restait synonyme d'ennui pour moi. Et pourtant, il existe toujours des exceptions aux règles. Et voici une sacrée exception.
Réelle mise en abime du cinéma premièrement. Donen et Kelly évoquent le cinéma muet de leur jeunesse et le font remarquablement bien. Véritables moments humoristiques, hommage réussi et noir et blanc superbe lors de ces séquences. C'est aussi un questionnement plus profond qu'il n'y parait sur le milieu. Véritable coup d'oeil sur le statut de star et plus particulièrement sur l'envers du décors. La difficulté à s'en sortir au début qui pousse la star à ne pas ternir sa propre image, les relations dans la vie privée bien différentes de celles que laissent supposer les images à l'écran ou la presse, cette dernière omniprésente comme les fans et les groupies.
L'oeuvre s'attaque également au tournant majeur qu'est l'arrivée du son dans le cinéma. Le film montre, je pense, assez bien la réaction qu'on pu avoir certains pensant que ça ne fera que se planter. Pourtant, le public en a réclamé plus encore après Le chanteur de jazz. Et voilà le studio obligé de faire des films parlants alors que les acteurs du muet étaient surtout des gens capables de faire des mimes extraordinaires (la tête de Gene Kelly imitant les acteurs du muet est remarquable), mais tous n'étaient pas forcément comédiens. Heureusement pour nous, notre héros Don est un acteur, un vrai, ce qui n'est pas le cas de Lina. Là aussi, il faut y voir le revers de la médaille et cette arrivée du son qui envoya au chômage bon nombre de personnes, car incapables de s'adapter.
Que serait le film sans son incroyable utilisation de la Technicolor, rendant certaines séquences totalement magiques, et les décors, tous en cartons pâtes, nous rappelant là aussi sans cesse que le cinéma n'est qu'illusion. Donen et Kelly offrent un film rythmé dans lequel les séquences s'emboitent bien.
Evidemment, que serait une comédie musicale sans musique? Le point qui me laissait le plus à craindre quelque chose. Rassurez-vous, on ne peut que tomber sous le charme. Véritable bijou d'énergie offerte par les différents acteurs, de séquences très travaillées et hautes en couleur. L'humour est également fort présent que ce soit en musique ou non. L'histoire n'est pas non plus qu'une important mise en abime du cinéma. Elle renvoie à des valeurs qui me semblent dater d'une autre époque. La sympathie des personnages, la volonté d'aider autrui, l'amour et une forme de naïveté qui se dégage font qu'il y a un peu de La vie est belle dans Chantons sous la pluie. Et il y a chez Gene Kelly cette même classe qu'avait James Stewart.
On notera aussi que j'ai failli m'ennuyer lors de la chanson intitulée Beautiful Girls, le défilement des demoiselles étant un peu trop long. Par contre, tous les acteurs offrent cette énergie (oui oui je me répète) qui font passer la pilule... Et puis la chanson Singin' in The Rain est simplement superbe. On notera que si Kelly est très bon, son comparse Donald O'Connor est parfait. Les rôles féminins suivent également et on sera sous le charme de Cyd Charisse. Non vraiment, il n'y a rien à redire dans ce film, une forme de The Artist soixante ans avant Jean Dujardin.
