Dans un futur proche, la police de Johannesburg débordée par la violence met en place une police robotisée. Deon, le créateur de ces robots, passionné de robotique, créer une intelligence artificielle qu’il place dans l’un de ces robots endommagés. Chappie, ainsi surnommé, est capturé par un trio de gangsters qui vont devoir lui apprendre la vie, car Chappie est comme un enfant qu’on doit éduquer. Enfant différent et incompris, Chappie va devoir prouver qu’il a sa place dans le monde.

Adaptation de son propre court métrage, Chappie est un projet cher au cœur de Neill Blomkamp le réalisateur de Distict 9 et de Elysium. Troisième film du prometteur réalisateur sud-africain qui s’était fait remarquer avec le brillant District 9 qui a placé la barre très haut, Neil Blomkamp s’illustre dans le genre de la science fiction puisque chacun de ses films s’inscrit dans une optique d’anticipation, avec des thématiques toujours très fortes, la ségrégation pour le premier, la lutte des classes pour le second dont l’inspiration de Métropolis est manifeste. En trois film, le réalisateur montre qu’il a un univers défini, un point de vue d’auteur, et qu’il maîtrise sa mise en scène. On peut noter qu’il a de plus ses petits tics comme tous les grands cinéastes. Ainsi, Sharlto Copley est son acteur et Johannesbourg, en Afrique du Sud, son lieu de prédilection, chose guère étonnante puisque c’est sa ville natale. Il n’est guère étonnant dès lors d’apprendre avant même que Chappie ne sorte en salle qu’il sera le prochain réalisateur à concevoir un nouvel opus de la saga Alien.

En partant du postulat d’un robot à l’âme humaine, carrément celle d’un enfant, Neill Blomkamp entre dans le panthéon des rares auteurs à vouloir dédramatiser l’intelligence artificielle. Le message de Chappie, qui consiste à dire que l’intelligence articielle est pareille à un être humain, à n’importe quel être vivant, possédant sa propre conscience donc, est assez proche au fond de ce que le papa des lois de la robotique disait. En effet Asinov en introduction de son cycle des robots disait qu’il ne fallait pas se laisser avoir par le syndrome de Frankenstein et que si l’homme créé une intelligence artificielle cette dernière n’est pas obligée de se retourner contre lui, c’est ainsi qu’il introduisait les trois règles de la robotique. Neill Blomkamp fait preuve du même optimiste si ce n’est que dans Chappie il n’y a aucune loi d’inscrite, c’est l’apprentissage comme celui d’un enfant qui permet de donner à son I.A. une morale.

Justement, ceux sensés offrir à Chappie une morale, une éducation ne sont pas dénué de défaut. Son créateur, Deon, nerd typique, esprit brillant mais d’une lâcheté étonnante est loin d’être un homme idéal. Lâche et retord, il est surtout égocentrique puisqu’il ne pense qu’à sa création qu’il estime comme le sien d’ailleurs, et serait prêt à tout pour faire ce qu’il veut, c’est-à-dire créer une intelligence artificielle. Son comportement égocentrique le rend moins humain au final que les gangsters qui par un ressort scénaristique pas forcément des plus fins se retrouvent en charge du jeune robot. Les deux parents étant incarnés par les membres du groupe Die Antwoord qui conservent dans le film leur nom de scène à savoir Ninja et Yolandi (leur musique étant la BO du film) apportent une touche à la fois de violence, par le père, et de douceur excentrique par la mère.

L’aspect déjanté, punk et excentrique des « parents » de Chappie apportent une touche colorée et originale au film qui fait penser que Chappie est un mélange de l’univers de Neill Blomkamp (d’ordinaire plutôt froid, violent, avec une touche d’espoir et d’humanité) et du groupe sud-africain Die Antwoord qui à l’occasion d’un clip avait fait de Lady Gaga la proie d’un lion affamé. Outre l’aspect punk, rebelle et électrique apporté au film, la touche d’espoir et d’humanité toujours présente dans les films de Neill devient ici presque de la naïveté vers la fin du film. Quoi qu’il en soit, ce mélange d’univers dynamise le film en lui apportant une vraie originalité qui surprend au premier abord.

Au-delà de la touche coloré, il y a un univers punk presque post-apo très présent dans Chappie qui rappelle pas mal de films d’action marquant des années 80 comme Mad Max, bien sûr, mais aussi Robocop. Pas vraiment étonnant de retrouver un lien de filiation direct puisque les deux parlent d’un robot possédant une humanité et étant également un flic. Bien sûr Alex Murphy était un adulte qui devait retrouver son humanité après un long chemin de croix alors que Chappie est un robot possédant d’emblée une humanité vivace qui doit trouver sa place dans le monde après un long chemin de croix, mais les ressemblances sont plus présentes à la fois dans l’esthétique, par exemple le look du robot appelé « l’original » qui est le méchant du film devant détruire Chappie ressemble de beaucoup au look de l’ED-209, et est aussi destructeur et peu intelligent que l’est son aîné. Et puis il y a la même atmosphère dans les rues, l’ultra violence des gangsters qui tuent juste pour le plaisir, l’aspect guerria présente dans les rues, le chaos et la misère, l’absence de règles dans un monde semblant être perdu définitivement.

Fort de ses références, Chappie brille de plus par une mise en scène intelligente, Neill Blomkamp prouvant une nouvelle fois, s’il en était besoin, son talent pour filmer l’action et la violence urbaine. Le rythme effréné du début n’est pas sans rappeler District 9. L’utilisation de l’aspect documentaire pour raconter l’histoire est également présente chez Chappie excepté qu’il disparaît progressivement quand il demeurait le fil rouge de District 9. On sent d’ailleurs à de nombreuses reprises une certaine proximité avec District 9, pas seulement dans la mise en scène dynamique enchaînant scènes d’actions et plans found foutage, mais aussi dans le désir manifeste du réalisateur de mêler divertissement, action, et message important en filigrame ainsi qu’une réflexion sur l’humanité. On lui reconnaît volontiers un cinéma assez proche de celui Steven Spielberg qui mêle lui aussi avec adresse divertissement, message plutôt optimiste, quasi-naïveté et en même temps intelligence du propos comme avec E.T. par exemple ou encore Rencontre du troisième type. Bien sûr, dans le cas présent, on ne peut s’empêcher de penser à A.I. de Spielberg justement.

Malheureusement, Chappie en fait trop. Là où Distrcit 9 brillait par une unité d’ambiance, une narration fluide, et un seul et unique message, Chappie s’éparpille. Voulant faire un film d’action, mais aussi un film de réflexion, ayant à cœur de changer un peu en apportant la touche de folie de Die Antwoord, Neill Blomkamp se perd dans ses propres thématiques. Le film souffre d’un sérieux déséquilibre, ainsi si l’on a des scènes d’actions bourrines et jouissives, elles sont entrecoupées de scènes de bureaux relativement plates où s’opposent Deon, le nerd héros qui doit prouver sa valeur justement héroïque, et Vincent incarné par Hugh Jackman qui est le méchant le plus grossier et maladroit que j’ai jamais vu. Le personnage de Vincent est non seulement ahurissant de bêtise, mais en plus totalement incohérent, et sa trame narrative apporte beaucoup de problématique justement de cohérence. On a du mal à croire qu’une entreprise bossant avec le ministre de l’Intérieur accepte qu’un de ses employés en braque un autre et ne soit même pas puni pour cet acte, et plus encore, on a du mal à avoir foi en son plan de piratage assez grossier même pas découvert ni désamorcé alors que le héros a compris ce qu’il en était… C’est là d’ailleurs que le film s’emmêle les pinceaux, ne parvenant à mener de front ses deux trames narratives à savoir celle de Chappie et de sa survie dans le monde sauvage et parallèlement l’affrontement de Deon contre le très méchant Vincent. Ce qui fait apparaître ainsi de grosses incohérences ainsi qu’un sacré déséquilibre.

Dernier reproche, le film se termine en s’ouvrant sur un début de réflexion plus qu’intéressant qui puisque c’est la fin n’est absolument pas abouti. En résulte chez le spectateur l’impression qu’on s’arrête au moment où ça devient vraiment intéressant. En effet, ATTENTION SPOILER, Chappie parvient à trouver comment transférer les consciences des humains dans des machines, et ainsi le fait sur son créateur et sa « mère » qu’il peut aussi sauver d’une mort certaine. Réflexion d’autant plus intéressante que peu abordée jusqu’à présent par des films hollywoodiens, mais dont nous n’avons droit qu’à finalement un début d’idée puisque le film se termine ainsi, brusquement. C’est d’autant plus frustrant que cette fin qui serait intéressante dans un court-métrage laisse le spectateur sur sa faim. FIN DU SPOILER.

Chappie est un film raté. Tout n’est pas à jeter, au contraire, il y a des instants brillants dans le film, et la mise en scène de Neill Blomkamp est toujours intéressante comme les idées qu’il véhicule dans ses films, pour autant, le déséquilibre du film le rend brouillon, et même indigeste. Difficile d’avaler une soupe aussi consistante. Un manque de choix évident rend Chappie foireux. Mais cette tentative n’est cependant pas dénuée de tout intérêt, faites-vous donc votre propre opinion !
Sophia
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le 24 mars 2015

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