En 2009, District 9 avait enflammé le fan de science-fiction que je suis. Un antihéros dans la plus pure tradition, les maux du monde moderne vus par le prisme de l’anticipation (dans le cas de District 9 l'apartheid) un univers réaliste dont les affrontements violents et sans compromis se font l’écho … le premier film du réalisateur Neil Blomkamp avait sur renouveler le genre, poser les bases d’une filmographie en devenir. Ce même réalisateur revînt sur le devant de la scène en 2013 avec Elysium. Moins prenant, plus conventionnel dans son approche, ce second film ne put réitérer la claque assénée en 2009, la faute à un personnage principal trop fade, trop stéréotypé. Puis l’annonce de Chappie retentit. Un retour à Johannesburg, le thème de l’intelligence artificielle au premier plan pour une toile de fond tout en violence.


Dans un futur proche, la violence embrase les rues de Johannesburg. Devant l’impuissance des forces de l’ordre, l’utilisation d’une police robotisée est votée. Ces droïdes policiers à l’intelligence artificielle mesurée finissent par ré-instaurer un semblant de paix dans les rues de la cité. Deon, le créateur de ces I.A, souhaite poursuivre ses recherches afin de créer une véritable conscience artificielle, capable d’apprendre, de juger … d’être. L’existence même de cette nouvelle forme de vie sera remis en cause afin de “protéger” l’ordre établi.


Soyons franc. Le scénario de Chappie ne décroche pas les cieux et certaines facilités viennent ternir l’ensemble. La séance de programmation sous Red Bull est un modèle de cliché. Les thèmes abordés sont les piliers de tout un pan de la science-fiction et lorgnent vers un classicisme sans faille ! Violence, intelligence artificielle, conscience, robotique, ordre établi, condition humaine … tout y passe.


Et pourtant … l’univers dépeint surfe sur une cohérence d’ensemble. La violence qui embrase Johannesburg n’est qu’une évolution somme toute logique de la situation actuelle, tout comme la fabrication d’entités robotisées est la résultante des avancées scientifiques des dernières décennies … L’ensemble s’ancre dans le réel, une réalité anticipée. De là à frémir face à une potentielle révolution des machines … !!!


Une cohérence s’inspirant d’oeuvres cultes de la science-fiction pour établir les fondations d’un récit d’anticipation. Le design de Chappie puise son inspiration dans Apple Seed et plus précisément le personnage de Briareos. L’utilisation de Flash News à la manière de la BBC pour exposer les enjeux n’est pas sans rappeler le film Robocop de Paul Verhoeven tout comme l”Original” … une version badass de feu l’ED 209. Mais bien entendu, la première oeuvre venant frapper ma nostalgie de fan transi reste l’intemporel Ghost in the Shell et son interrogation sur les fondations de la conscience et l’âme. Bien que l’approche de Neil Blomkamp s’en éloigne, nul doute que l’oeuvre de Masamune Shirow résonne à la fois dans le discours et les scènes intimistes.


Le film de Neil Blomkamp se détache de ses prédécesseurs et de toutes ses références dans sa manière d’évoquer l’intelligence artificielle. Chappie est un personnage à l’intelligence digitale et fulgurante mais il n’est en aucun cas omniscient. Lors de sa remise en marche … sa naissance ... Chappie se comporte comme en enfant. En vérité son esprit est celui d’un enfant en bas âge. Vide mais enclin à découvrir poussé par une soif d’apprendre, de comprendre. Chappie se trompe, est manipulé, apprend à la dur comme tout à chacun. Il subit les affres de la vie et se réjouit d’un simple moment de partage. La scène de lecture, d’apprentissage du langage ou encore de confrontations sont un modèle du genre. Chappie pense, souffre, subit, se rebelle … Chappie est un Homme dans un corps de métal ; sa condition d’exception exacerbant les réactions du monde qui l’entoure. Les réactions “humaines” face à Chappie et son comportement “humain” suintent la surprise, le dégoût, l’empathie … Mais Chappie reste avant tout un GANGSTA NUMBER ONE !


La présence de Yolandie et Ninja, membres du groupe Die Antwoord, au casting avait suscité à l’annonce l’étonnement, la crainte, la surprise. Pourquoi avoir engagé 2 chanteurs pour tenir des rôles majeurs ? Pour leur univers et leur vision de “Joburg”. Le film transpire Die Antwoord. Dans la bande originale composée à 90% de leurs titres … Dans leurs tenues, leurs manières, leurs discours … Ces protagonistes sont le reflet de ce qu’ils sont en réalité donnant vie à leur univers dans un récit d’anticipation. La manière de parler de Ninja, les conversations hallucinées, cet accent sud-africain si caractéristique … Die Antwoord est l’une des raisons d’apprécier ce film, n’en déplaise aux détracteurs. Tout enfant se doit d’avoir une figure mater/paternelle, une éducation … quelle qu‘elle soit. Avec Die Antwoord comme professeur de vie, celle de Chappie ne sera pas de tout repos mais toujours parsemée d’humour.


Et Neil Blomkamp possède ce don pour l’image marquante, je dirais même inattendue. Les scènes d’affrontements sont criantes de vérité. Filmé à la manière d’un documentaire kamikaze, les balles fusent, le sang se répand et les impacts hurlent à l’impact sur des murs à vif. Le langage de la poudre et des shurikens fusionnent dans un balai mortuaire. D’un point de vie technique, le film est irréprochable. L’intégration des éléments en image de synthèse est un modèle du genre … tout en sachant que Chappie squatte l’image 90 minutes sur 120. Mais le firmament est touché du doigt lors de ces scènes intimistes où les sentiments de Chappie suintent … colère, détresse, attachement … le spectateur que je suis créant une empathie instantanée pour ce tas de boulon mal dégrossi.


Enrobé dans l’univers coloré et atypique de Die Antwoord, Chappie m’impose sa vision de l’avenir … de l’avenir de l’Homme et de sa conscience. Neil Blomkamp est enfin de retour. Le messie de la science-fiction a su rebondir de la plus belle des manières après un Elysium décevant. Dire que j’attends sa vision d’Alien serait un euphémisme des plus vulgaire !

Silent_JayFR
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le 13 avr. 2019

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