Est-on humain parce qu'on le naît, ou parce qu'on le devient?

On m'a souvent vendu Chappie comme un excellent film, comme un drame émouvant et intelligent sur le destin d'un être artificiel façon Frankenstein. On me promettait un bon moment doublé d'un plaisir cinématographique total, pour que je tombe finalement sur un film qui manque de profondeur, sorte de divertissement somme toute convaincant extrêmement mal vendu lors de sa sortie en salles; on nous promettait un combat pour la survie, alors qu'on reçoit une fable humaine sur la relation qu'entretien une machine avec une bande restreinte d'humains.


Et c'est dans ces relations là que le film coince au premier abord : ses personnages étant terriblement caricaturaux (tout particulièrement les Die Antwoord, seulement présent pour s'éclater et faire leur pub tout en surjouant comme des pieds), les interactions qui en découlent paraissent forcées, superficielles; surgit donc un manque d'empathie flagrant pour les protagonistes présents à l'écran, qui patissent également d'un manichéisme à tomber.


Profondément niais, Chappie nous ressort la carte de l'humanité méchante agressant la machine toute gentille, mais façon compte de fée urbain. C'est cliché, empli de pathos et de lourdeurs sentimentales; le film fonce à la pelleteuse, détruit tout sur son passage sans faire dans la finesse et l'habileté. On pourra s'en contenter, mais quand on nous vendait un film puissant, peu commun, la surprise est de taille et la déception immense.


Vient s'ajouter à cela une mise en scène passe-partout qui, même si de belles images y sont transmises, peine à se réinventer depuis la sortie du premier film de Neill Blomkamp, District 9; rien n'a évolué, rien n'a changé : le ton documentaire, sombre et la caméra peu stable sont toujours présents, larguant le film, par bien des moments, dans une banalité insupportable. De beaux passages restent en tête, divinement soulignés par des ralentis bienvenus et pertinents (on pensera notamment à l'attaque visant Chappie, dure et poignante), mais ils sont trop rares pour considérer l'oeuvre comme réellement réussie au niveau de sa mise en scène.


Irrégulier et manichéen, Chappie reste un bon divertissement, émouvant mais plombé par sa fin trop rapide et mal amenée, où l'on quantifie l'âme en deux temps trois mouvements sur un clavier, en mode what the fuck complet. C'est un passage forcé, le genre qui gâche tout le reste par sa facilité d'exécution; alors c'est certes beau, propice à l'émotion et aux sourires de contentement, mais la conclusion est à ce point sortie de nul part, à ce point niaise et convenue que cela ne marchera clairement pas sur une partie des spectateurs.


Et c'est dommage, tant le film posait de bonnes questions qu'il n'approfondit jamais; quel est notre rapport à nos parents, au Créateur, aux autres; comment accueille-ton l'étranger dans nos vies, comment le traite-t-on? Est-on humain parce qu'on le naît, ou parce qu'on le devient? De même, peut-on perdre son humanité sur le bûcher de la cruauté? Tant de thèmes intéressants qui aurait dû être abordés de manière plus profonde, moins superficielle.


Clairement inspiré du Robocop de Verhoeven (juste après Starship Troopers et Total Recall, avec District 9 et Elysium), Chappie se veut moins dramatique, beaucoup plus enfantin; à l'image de sa machine mignonne et magnifiquement animé (le principal point positif du film), le tout est niais, naïf, touchant, attachant. On retiendra donc la qualité des effets spéciaux concernant la machine en question, preuve que l''écran de cinéma peut donner la vie a à peu près n'importe quoi.


Les mimiques, les mouvements, la qualité des détails et le design même de l'androïde, toutest si bien fait qu'on croirait regarder une vraie personne, une vraie machine; humaine, souvent bien plus que lesdits humains, Chappie se démarque dans le cinéma par la perfection de son réalisme, le plaçant directement dans une position de rapport homme à homme avec le spectateur. Ce dernier a l'impression de le voir vraiment, de pouvoir lui parler. Saisissant.


En soit, Chappie est un film à voir si l'on est bon public, pas trop pointilleux. Si les défauts ne vous empêchent pas de prendre un maximum de plaisir lors du visionnage, si vous n'avez que faire d'incohérences ou de facilités scénaristiques, le film devrait vous plaire. Il remplit très bien son contrat d'oeuvre divertissante, parfois même un peu trop, y perdant l'intelligence de son propos. Un film qui divise, comme chaque oeuvre de l'ami Blomkamp. C'est à cela qu'on reconnaît les grands...

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le 28 janv. 2018

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FloBerne

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