Il y a dans ce Charlie Countryman un je ne sais quoi qui l’enferme dans une troublante superficialité. Serait-ce son imagerie clinquante au montage épileptique construisant un gimmick visuel ultra tape à l’œil ? Où bien sa surenchère dans l’écriture qui n’hésite pas une seule seconde à jouer la carte de l’improbable pour stimuler son récit initiatique ? La question reste en suspend.

Une tentative de réponse se trouve certainement dans l’envie d’en faire trop qui frappe régulièrement les premiers films. Symptôme courant d’une volonté trop démonstrative aboutissant à la recherche formelle à tout prix. Cette constante envie de frapper fort les esprits se ressent dans chaque séquence du film de Fredrick Bond : les comédiens prennent la pose à l’occasion de ralentis un peu maladroits et la musique, très flatteuse, nous martèle les tympans avec la douceur d’un coton-tige.

Métaphore un peu casse gueule, j’en conviens, mais qui résume, à mon sens, l’ensemble de Charlie Countryman. On est en présence d’un déluge intarissable d’images percutantes, la plupart du temps bien gaulées, qui ne véhicule rien du tout, ou pas grand-chose. Et qui manque, et c’est déjà plus gênant, d’une cohérence dans leur mise en scène. Comme si chaque séquence n’était pensée que pour les 2 minutes qu’elle construit, au lieu de s’inscrire dans une plus grande globalité. La scène technique du film, cette course poursuite où Shia Labeouf —qui fait de gros efforts pour s’arracher du torse les derniers vestiges de son passage chez les robots transformables— en est un exemple frappant. Elle doit durer 5 minutes à tout casser mais ne parvient pas à trouver cohérence dans son ensemble : la caméra peine à trouver un point de vue efficace, résultat la poursuite est beaucoup trop charcutée, seulement lisible par intermittence. Elle transpire d’une envie d’en mettre plein la tronche, mais oublie de se construire en tant que séquence dans le même temps.

Et pourtant, en dépit de cet excès formel constant, malgré la petite sonnette d’alarme qu’actionne tout cartésianisme espérant un fond un brin développé, Fredrik Bond parvient à captiver l’attention de son audience pendant près d'1H50. Dans son carquois, le réalisateur possède cet atout que l’on appelle sens du rythme et en fait bel usage. Charly Countryman file à toute allure, à tel point qu’il faut attendre le carton final pour commencer à cogiter.

Dès lors, le soufflé retombe, les défauts précédemment cités se bousculent pour prendre leur place dans la réflexion et le doute s’installe, durablement. Néanmoins, au moment de faire le bilan, il serait hypocrite de ne pas reconnaître à ce premier film sa capacité récréative. Charly Countryman, en tant que one shot généreux, se doit d’être considéré comme un outsider de premier ordre. Il faut juste se contenter du spectacle qu'il délivre, et éviter d’y penser sur le long terme. Le premier film de Fredrick Bond fait partie de ces bobines qui n’ont pas grand-chose à dire mais savent être stimulante sur le moment, ce qui n’est déjà pas si mal. Et en tant que mâle moyen, on reconnaître aussi à l’auteur l’aisance avec laquelle il met en valeur la toute mimi Evan Rachel Wood, qui a bien grandi depuis le sympathique Thirteen !
oso
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le 18 sept. 2014

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