Road-movie en roue libre !

Langage cru, beaucoup plus que dans la plupart des films de l’époque. Généralement dédaigné, Joël Séria est une sorte de chaînon manquant entre Pialat et Rozier. Un parfait capteur de l’air du temps des seventies (une vue en coupe sociologique de la France). Du brut de décoffrage, filmé à la va-comme-je-te-pousse, sans raffinement, cadrage au jugé, lumière arrosant les comédiens plein pot (sauf dans les extérieurs). Le scénario est rudimentaire, les personnages aussi, à la bonne franquette, évoluant au gré du vent, des déambulations de Charlie Moret, chômeur quadra sans attaches, et de ses deux nénettes, Guislaine et Josiane, fillettes rigolardes de 20 ans ­ qui déchanteront. Certes, cela ne décolle pas toujours (on est loin des clashs psychologiques de Pialat et des plans-séquences époustouflants de Rozier). Séria est un cancre rêveur de l’école naturaliste, qui frôle toujours la naïveté, et par-là même la perversité, laissant croire que les minauderies ravies des minettes qui accompagnent Charlie sont le prélude à des aventures porno-crétines. Là n’est pas le propos. Il faudra attendre ses Galettes de Pont-Aven (dont la vedette, Jean-Pierre Marielle, fait ici une apparition dans un rôle secondaire) pour entrer un peu plus dans le vif du sujet et dans des considérations plus égrillardes. Ce cinoche en roue libre, ennemi de la sophistication et ami de la vie comme elle va, serait tout à fait à sa place dans un futur musée du pop art. Fascinant.