Cher papa
6.8
Cher papa

Film de Dino Risi (1979)

Comment souvent dans un soulèvement, ce n'est pas le pire qui se fait buter ou blesser...


« Deux dangers ne cessent de menacer le monde, l'ordre et le désordre. » (Paul Valéry cité par Michel Ciment entendu peu après mon visionnage mais au sujet de 'Prova d'Orchestra' de Federico Fellini sorti la même année sur la même période).



Ici un riche père représentant un certain ordre avec ses relations, se rend compte que son fils est peut-être en train de rejoindre avec ses relations, un désordre (une sorte de daech rouge?).
Ce groupe comme souvent n'est pas le meilleur à choisir ses cibles (...ça semble déjà "meilleur"(sic) que des femmes et ados buvant des cafés crèmes sur une terrasse mais la victime du film n'apparait finalement pas la pire du système "dénoncé").
Je ne suis bien sûr pas expert, mais apparemment le Roi que les révolutionnaires ont décapité en France n'était déjà "pas le pire" non plus dans son genre? Comme ici...


Un film de 1979 dont les personnages, les riches papas, enfants et grand-papas me rappellent ceux de The Game de David Fincher en 1997 et la série Succession de 2018.


Ici, le riche macho libertin capitaliste (eccelentissimo Vittorio Gassman) est la cible de pseudo révolutionnaires.
Mais il a quand même un passé de vrai résistant et reste lui bien 'aware' et conscient de la situation, essayant de faire gagner tout le monde un peu (notamment dans ses affaires...à commencer pas sa famille très gâtée).
'Gâtée' dans tous les sens du mot...sa fille finit en asile puis en sectes successives.
Gassman la visite comme Liam Neeson dans The Secret Man où son Mark Felt, bras droit d'Hoover, visite sa fille dans une ferme de désintoxication. La plupart sont utiles.
Juste quand je pensais que ce genre de ferme me rappelait le projet du père Gilbert en France de nos jours avec sa 'Bergerie du Faucon' dans le bijou naturel des Alpes-de-haute-provence, je vois dans le film surgir son sosie joué par sauf erreur un Pietro Tordi, hilarant et effrayant.
Il dit au papa que sa fille est très heureuse dans cette "saine communauté entourée d'animaux, de plantes et de légumes" (légumes, indeed...)
Sa dernière scène est lui sortant d'une grange quasi amish et appelant pour le diner avec une énorme cloche qu'il fait sonner en la balançant comme un fouet, hystérique comme Le Bossu de Notre Dame sur sa cloche. Tous les jeunes alors, lentement mais surement, se tournent vers ce bruit et se mettent en marche littéralement comme des zombies ou les dupliqués dans L'invasion des profanateurs de 1978 mais sorti la même année que ce 'Cher Papa' en Italie.


Le fils aussi (d'une certaine manière) est dans ce genre de groupe/zombies/clones.
Les membres de sa "secte" sont d'ailleurs filmés aussi comme des zombies ou pestiférés.
Les orbites des yeux creux et le regard intense d'une pie ou mouette lorgnant sur mes frites au port.
Ou le regard de la folle nonne dans Le Narcisse Noir...
Enfin bref, la caricature du regard "envieux, plein de jalousie et ressentiments" (sic) que les suppôts du système qui les enrichie attribuent aux jeunes ou autres qui souhaitent juste parfois de micro ajustements...


Je ne suis pas connaisseur en cinéma italien mais dans la même semaine où je commençais à faire le bilan des mes manques grâce à un excellent blog et à un bon doc,Vittorio Gassman, le Flamboyant d'un Antoine Lassaigne, ma chaine gratuite '31 #à la maison' en diffuse celui-là que j'aime.
Mais au royaume des aveugles, le borgne est roi: ce n'est peut-être pas son meilleur mais il l'est pour moi comparé aux rares que j'ai vus...avec le temps, il perdra sans doute de son éclat.


La clé du film, le vendeur du film, le pilier du film, est l'interprétation hors-pair de Vittorio Gassman. Il rend sympathique un personnage souvent au mieux maladroit, au pire, macho.
On me vante souvent le regard de Daniel Day Lewis (dont je suis fan aussi) mais redécouvrant celui de VG, l'intensité et l'expressivité de quasi film muet est incomparable. En plus de ne jamais cligner, surtout pendant les disputes (technique classique mais très efficace), il sait aussi jouer de son regard pour de multiples nuances.


Je découvre le très bon acteur jouant le fils torturé (en pleine sorte de "taqîya", dissimulant la haine envers son père ou de ce qu'il represente...et donc ne s'aimant pas assez ...et donc très clairement ne baisant donc pas assez et surtout donc dans l'impossibilité de tomber vraiment amoureux): un Stefano Madia (oh! il est déjà mort lui aussi? à 49 ans, selon imdb).


J'aime beaucoup la scène de de l'hôpital:


Le mari en mauvais état et encore sonné entend en stéréo son ex femme et sa maitresse tenant chacune une main...


La femme est jouée par une excellente Andrée Lachapelle que je découvre bien tard, vue sa carrière (encore en cours?). Elle me rappelle alors un sketch de Pierre Palmade où la visitrice totalement égocentrique se plaint bien plus que le malade: le temps qu'elle a mis à venir à l'hôpital, la chaleur, les embouteillages, ses problèmes d'argent. Cette totale égoïste est en plus ingrate...ce qui la rend très drôle.


Si HBO a récemment eu des vapeurs avec Autant en emporte le vent, là, ils en feraient un caca nerveux:
1) Il n'a que des employés noirs (Somaliens?). Il les laisse chanter quand ils font le ménage en rythme.
Et il en a marre qu'ils agrémentent tous les plats qu'ils lui font "avec de la banane"..."mais c'est comme ça chez nous...c'est notre cuisine m'sieur".
Il leur donne ses vêtements mais usagers. "Pas les neufs".
(d'ailleurs, il y a une obsession avec les pieds des domestiques noirs dans les années 70s puisqu'ils sont aussi l'objet de gags dans Les Cages Aux Folles (excellent Benny Luke) pieds nus et en pantoufle aussi comme ici).
La grande maison aux colonnes en ressemblent encore plus à une maison coloniale.
2) Ce mari commente la poitrine de la babysitter étrangère devant elle et sa femme. Son fils le surprendra en train de la peloter (un peu contre son grès semble t il?) et arrêtant puis partant avec son fils la traite, elle, "de folle? "
3) Son ex femme a remplacé le bel Italien Gassman par un gros Allemand et on a droit à certains lieux communs dans la bouche de l'ex au sujet des habitudes alimentaires du nouveau.
4) Pour une scène finale, une femme noire sert de chèvre pour attirer le satyre, dinosaure d'une autre époque, hors de son enclos (ici doré aussi, l'hôtel Palace).
Un film qui disparaitra donc bientôt des plateformes?


A l'instar d'Eric Cartman, Gassman et ses amis détestent les hippies : enfin, plus exactement, surtout les amis de Gassman. (Et surtout l'excellent Julien Guiomar, tout frisé à la Jacques Martin: VG est plus ironique et amusé et distancié et surtout subtile:



Julien Guiomar ne veut pas les tuer "avant qu'ils naissent" (comme dit un vieil aveugle dans un autre film Italien), ni les éborgner à coups de LBD ,mais "juste les aligner contre un mur et les finir à la mitraillette."
(pour sa micro défense, comme un peu dans 'Room at the top' de Jack Clayton , ce riche vient de découvrir qu'un de ces 'sales pauvres' a mis enceinte sa fille...)



Une Pendaison de crémaillère, modèle réduit de la société Italienne?:
Etudiant, rêvant d'en faire une vraie un jour, j'ai fait la "Pendaison de crémaillère" d'un mini studio (mot inapproprié car je l'avais même pas acheté et en plus il était payé au début par maman et papa, mon Etat Providence ...mes 'Business Angels'...sauf qu'après des années de feuilles de salaire, au contraire de pas mal de mes amis étudiants, je n'ai pas oublié mon biberonnage tardif du début et ne suis pas devenu un dur méritocrate, comme certains encore plus vernis que moi, mais qui se prennent pour des "self made men", contre les subventions dont ils ont eux-mêmes profités sous une autre forme).
Ici, notre Pierreamo... fait aussi une pendaison de crémaillère... mais de sa nouvelle piscine...qui est désormais couverte et intérieure.
Alors là, c'est le luxe: il faut visualiser des bains romains, à la film de Kubrick, on s'attend à voir Laurence Olivier... ou alors visualiser les beaux bains de Bath mais sous une maison. ^^

J'aime cette scène. Le père, parce qu'il veut les connaître, a proposé à son fils d'inviter ses amis.
Se mélangent donc à cette fête, les notables et les jeunes. Les riches et les pauvres. Gassman a un bien meilleur speech sur ce "melting pot", que j'ai hélas oublié.
Avec aussi une Madame Balkany ruinée car le mari est désormais en prison et s'offre à son hôte pour de l'argent ( ce qu'il refuse).
C'est le moment où Julien Guiomar crie qu'ils veut voir les hippies morts.
Les jeunes hippies ne bougent pas, observent. Comme les Oiseaux chez Hitchcock.
Le riche père leur dit de "ne pas se gêner, de danser, de manger, voire nager".
Un grand maigre tout blanc frisé, amusant Nando Paone, se met à danser 5 secondes ironiquement, "voilà , j'ai dansé". Gassman pas impressionné du tout par cette vanne lui rappelle qu'il a des maillots pour tous "et même pour toi une savonnette..."
Vanne elle aussi classique envers les crâdos qui ressemblent à Shaggy de scooby-doo, mais drôle.
Je rigole mais les gros plans sur leurs regards les rend menaçants: c'est le regard final de Rod Steiger révolutionnaire aussi, chez Sergio Leone.


La fille gâtée de Gassman fait sa dernière apparition pour "lui pardonner"...Devenue Hare Krishna, elle est accompagnée d'un autre personnage amusant: un guru à tête de Rod Steiger/Jean Pierre Coffe/Kojak et surtout à tête du Mola Ram dans Indiana Jones (attention un seul l et pas de h..., c'est quand même pas un Mollah), un amusant et gourmand Eolo Capritti invité au buffet carné.


Masque d'or aux yeux bridés:
Je sais que parmi les rares passés ici , certains n'aiment pas mes digressions or elles ont des liens avec le film...en voilà une de plus: le design des objets était parfois plus beau dans les années 70s. Le beau était-il + un critère? J'ai trouvé plus beaux que ceux de nos jours, les portiques de l'aéroport, en sort d'ogive d'église, lors de la scène où on voit pour la première fois, le masque d'or aux yeux bridés.


Humour et légèretés visuels: mini voiture, mini ministre, mini braquage
La menace plane lentement mais surement crescendo durant le film mais tout en gardant des moments drôles, parfois visuellement: j'ai aimé lorsque Gassman se fait draguer dans la boite de nuit et répond aussi mais la musique est si forte qu'ils utilisent un entonnoir de cocktails comme cornet auditif...le couple devenant les petits vieux du Muppets show.
Le has-been se moquant plus tard à si juste titre de cette discothèque, havre de paix et "La Reine des boites pour Sourds et muets".
Cette hippie l'invite chez elle (une jolie Joanne Côté), et notre grand Vittorio monte alors à bord d'une minuscule petite voiture toute bleue à 3 roues, une merveille qui m'a l'air bien pratique...un triporteur?
Chez elle, elle est nue en un instant tout en continuant leur conversation mais ils sont interrompus par un viking barbu géant rentrant pour regarder la télé...c'est "le colocataire"..."travesti à Paris" (chez Michou tout bleu aussi?) .
Puis interrompus par le chauffeur/garde-du-corps qui les a suivis même si Gassman porte une arme en permanence: le seul pistolet qu'il touchera donc de la soirée car il abandonne l'idée de coucher avec elle. D'autant qu'il a laissé sa petite amie à la boite (Aurore Clément)...dans les bras d'un "ersatz de John Travolta".
On découvre plus tard qu'elle est elle-même mariée à un riche dépressif qui voit des terroristes partout et "entend tous les bruits".


On voit Gassman sortir d'une réunion avec des membres du gouvernement et le ministre est un nain à ses côtés: l'homme d'affaire&la finance géants à côté du politique?! surement, ce n'est pas un hasard de la part de ce Dino Risi?


Ils subiront un braquage à la banque, comme on subit une courte averse: "ah non pas encore" et on les voit faire les gestes barrières immédiatement et décidant "où manger ensuite" pendant le braquage à mains armées de mitraillettes...


Je suis quasi certain que la chanteuse à plusieurs scènes à l'inauguration de la piscine est Jeanne Mas mais imdb me contredit.

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le 27 juin 2020

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PierreAmo

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