Macaigne aux abois

Chien, c’est l’histoire un peu barrée d’un mec un peu paumé qui va un peu disjoncter. Alors qu’il vient de se faire quitter par sa femme, qu’il est déprécié par son fils et sur le point de se faire licencier, Jacques adopte un chien – pas le plus mignon qu’on ait vu, mais c’est un autre sujet. Pas de bol, le toutou se fait tragiquement écraser sous les roues d’un bus, à peine un quart d’heure après sa rencontre avec Jacques. La poisse. Ce fâcheux évènement va bouleverser le personnage, et le hanter au point que les canidés deviennent son obsession. Et que petit à petit, il se prenne pour l’un d’entre eux, enhardi par un éducateur canin tyrannique (interprété par le brillant Bouli Lanners). Si, de prime abord, cette intrigue semble complètement extravagante, il faut savoir une chose : elle l’est bel et bien. Mais elle est aussi d’une intelligence folle.

La fantaisie de la narration n’empêche pas qu’elle soit structurée de façon très fine, avec une progression de l’état du personnage écrite adroitement. Jacques, joué par Vincent Macaigne, a une vraie consistance. Bien qu’il n’y ait pas énormément de dialogues, ils fonctionnent à merveille, et cette parcimonie rend la parole encore plus accrocheuse, percutante, les blagues sont efficaces. Puis c’est aussi par cette économie d’intervention de Jacques que passe sa déshumanisation, son animalisation. L’autre vrai atout du scenario, c’est de ne pas se limiter à la petite comédie attendue, et de glisser au fur et à mesure dans le drame, voire l’horreur. Le rire se fait nerveux avant de disparaître.

Sur le plan esthétique, c’est très bien fait. Les plans sont léchés (dans un film intitulé Chien, ça se tient non ?). L’épure est très appropriée : dans ces décors aux couleurs beiges, grises, blanchâtres, dans ce cadre trop aseptisé, lisse, le personnage ne peut que déborder, amener du relief par ses excès.

Jusqu’à la fin, le film nous étonne et, par sa loufoquerie, se révèle un conte burlesque terriblement moderne, sur les affres de la solitude.