Une des premières enquêtes de l'inspecteur Derrick !

Après ma très élogieuse chronique sur "La Guerre à sept ans" de John Boorman, ça me manquait un peu de tailler un film..
Bon, rien de bien méchant ici, même si je trouve "Chien enragé" bien trop survendu au spectateur lambda qui déciderait de s'y aventurer.
Faut quand même préciser, qu'on n'a pas vraiment là l'enquête du siècle, et que le témoignage périphérique sur le Japon d'après-guerre reste pour le moins light et pas non plus hyper transcendant.

C'est un film globalement mou, plan-plan, très pépère, à mi-chemin entre les mythiques séries allemandes "l'inspecteur Derrick" et "Rex, le chien policier".

Un flic se fait piquer son flingue, qui se balade de mains en mains, et devient un personnage à part entière comme dans Winchester 73, jusqu'à tomber entre celles d'un dangereux criminel qu'il faut à tout prix coincer.

Dit comme ça, ça pourrait éventuellement faire rêver, mais essentiellement, l'intrigue se résume à :
- J'interroge un témoin, il me dit que le tueur est passé dans tel lieu
- Dans tel lieu, j'interroge un témoin, il me dit que le tueur est passé par là blablabla..

Et on déroule la pelote de laine jusqu'à trouver le vilain.
Mais comme dans "L'Ange ivre" qui était beaucoup mieux que celui-là, les défauts pouvaient se transformer en qualité : le scénario était certes prévisible, mais cela permettait d'instaurer un suspense.

Ici, la traque très répétitive, c'est une répétition interminable d'interrogatoires bateaux, rend la trame assez labyrinthique, et fait littéralement perdre les protagonistes du film dans les méandres de ce Japon traumatisé et caniculaire (jusqu'à tel point qu'il devient presque impossible de les retrouver s'ils sont seuls et en danger).

Cependant, je trouve qu'on ne quitte jamais la simple lettre d'intention bien trop didactique et pas très finaude : vouloir raconter le Japon d'après-guerre, c'est très bien, mais marteler ce discours pratiquement exclusivement par des dialogues/idées du type "je voulais m'acheter une jolie robe, mais j'ai pas les moyens, donc le méchant fait des sales coups car on est pauvre", "la guerre nous est tombée sur la gueule et tout le monde s'est éparpillé au hasard du côté du bien ou du mal", ça ne suffit clairement pas à le faire véritablement ressentir.

Aussi, le thème du double, de la dualité flic/criminel est en soi assez sympathique, la frontière entre les deux qui se trouble, l'émergence d'une folie/confusion, mais faut pas non plus déconner, on n'est pas dans du James Ellroy, et ça reste finalement assez superficiel et très peu développé.

Cela dit, il y a deux moments du film qui changent la donne et qui permettent quand même de lui donner une certaine dimension : les errances de Mifune au début du film, dans les dédales (labyrinthiques justement) de quartiers populaires (on se croirait même parfois dans un souk, façon place Jemaa el fna), qui sont très cinématographiques et immersives.

Et la fin introspective plutôt réussie, enfin à peu près dynamique et vivante. Et une bonne fin, ça peut transformer un film sans plus, en très bon film (ce qui ne se produisait pas sur le précédent film très très moyen de Kurosawa "Le Duel Silencieux" qui est quand même très purgesque). Et donc au milieu de tout ça, on a quand même un très gros ventre mou bien trop long (les 2h ne sont absolument pas justifiées), même si je dois avouer que Takashi Shimura (qui joue le collègue expérimenté de Mifune) y est pour l'occasion plutôt très bon et sobre (et ça, ça change!).

Bon par contre, je ne savais pas qu'à l'époque dans les night club japonais, les femmes pouvaient danser en couche-culottes...

PS : bon Gwimdor m'a complètement supplanté dans son marathon kurosawaien, mais je dois avouer avoir un peu de mal à aller très vite, il faut dire que ce début de carrière ne m'a pas vraiment hyper emballé, et j'ai un peu peur pour la suite.. Tous ces gros oeuvres de plus de 2h30 à venir, comme "l'Idiot" et "Barberousse", j'appréhende quand même un max.. Surtout que finalement le Kurosawa que j'ai vraiment adoré, tombe mal car c'est celui qui n'a rien à voir avec le reste, "Dodeskaden", pour son style et sa poésie.

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le 3 sept. 2013

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KingRabbit

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