Hara-Kiri, bête et méchant ? Choron, grossier et vulgaire ?
Pour comprendre Choron dernière de Pierre Carles mieux vaut partir sur de bonnes bases tant la réalisation et le montage de ce docu ne vous éclairerons pas sur ces points.
Ca vous aidera donc déjà de savoir qui était ce Professeur Choron et l'univers Hara-Kiri - Charlie Hebdo - La Mouise (on ne parle pas du Siné Mensuel).
Choron était le nom que se donnait Georget Bernier, père de Michèle Bernier mais surtout un des grands fondateurs avec son ami Francois Cavanna du journal satirique français Hara-Kiri actif de 1960 à 1980. Alors je vous propose de chercher des renseignements d'une époque que je n'ai pas connue via internet, ce que je vous encourage de faire sinon je tente de proposer un petit résumé juste ici bas de ce que j'ai pu saisir, principalement d'autres vidéos.
"Bête et méchant parce qu'on revendique fièrement la bêtise et la méchanceté, que tout le monde repousse. Tout le monde se veut intelligent et bon et tout le monde réagit avec une connerie merveilleuse et une méchanceté infatigable, alors dans ce cas là autant revendiquer fièrement la bêtise et la méchanceté" - Cavanna
Cet Hara-Kiri en aura marqué plus d'uns, testant les limites de la caricature et la liberté d'expression, Hari-Kiri semble passer durant un temps seulement - à l'image de son slogan - pour un journal bête et méchant.
Puis, le 9 novembre 1970 décède dans la Haute-Marne, à Colombey-les-Deux-Eglises, le Général de Gaulle.
Toute la presse et les médias en général dans l'entièreté du globe ecrivent au minimum des messages de courtoisie, retenant l'homme qu'il était ou carrément des textes glorificateurs à la façon d'un empereur romain dont l'empire est en deuil. Comme d'accoutumée il est mal venu d'oser faire des reproches à une telle personne qui vient juste de partir.
Pourtant, là, dans une imprimerie qui résiste encore et toujours à la censure sort un petit texte simple et court en première page : "Bal tragique à Colombey : un mort".
Cette phrase fait l'effet d'une bombe, tout le monde à l'époque comprend le lien avec un événement - qui a eu lieu une semaine avant - depuis oublié d'un incendie de dancing ayant tué 146 personnes. Faire un lien pareil, à un tel moment, avec le Général Franco (pardon, de Gaulle) ne passe pas trop dans la France de l'époque.
Les politiques crient au scandale, la vente aux mineurs est interdite de même que la publicité du journal.
Pour une feuille de choux qui se vend à une échelle de 100 000 exemplaires à une fréquence d'une par semaine cela désignait simplement la fin.
Une solidarité grandiose et grandissante se fit entendre pour sauver ce journal symbole d'une liberté d'expression. Choron ne sachant pas dessiner et ne signant jamais ce qu'il fait, cette première page "scandale" est de lui, la seule de ce type et la seule de sa main.
"Nous considérons avec prétentions que sans Hara-Kiri il n'y aurait pas eu de mai 68" - Professeur Choron
Pour repartir de plus belle, oubliant les différentes interdictions du magazine, les auteurs choisissent de tout bonnement changer de nom. On passe à Charlie Hebdo, gardant le passage de la mort de Charles de Gaulle bien en référence.
A l'époque Charlie Hebdo, qui conserve beaucoup de son origine, Choron est directeur de publication tandis que Cavanna en est rédacteur en chef. Charlie Hebdo se vend mal dans les années 80 et doit fermer.
Certains imputent naturellement la responsabilité à Choron, après tout il était nommé à ce poste. Surtout le professeur incarnait un personnage sur qui il était facile d'en vouloir tant il pouvait être grossier et détestable. Alors qu'au fond il ne faisait et ne disait que ce qu'il pensait.
Il est vrai, cependant que Choron semble être resté un provocateur qui le faisait pour son besoin de vivre. Tant cette provocation était devenue dans son habitude, plus que pour et dans l'esprit Hara-Kiri/Charlie Hebdo.
C'est du moins le point de vue que j'ai. Mais il est a rappelé que Choron ne se voulait pas de mettre des limites - bien au contraire - ce qui garantissait une très grande liberté pour ses auteurs mais pas pour la sortie de l'exemplaire terminé ni de bonnes ventes.
Le journal est relancé plus tard. A cette époque du nouveau Charlie Hebdo, si tout le monde est quasi là, Choron lui est le grand absent. Il ne veut pas reprendre, il porte plainte sous des prétextes un peu idiots. Le seul qui ne lui en veut pas et qui est toujours présent dans Charlie c'est Cavanna, ils restent au final toujours amis. Choron décide de repartir comme au début, il lance un journal qui sera vendu par des colporteurs motivés. Ce sera La Mouise dont le but est de donner de bons auteurs pour un journal de SDF.
Le 2 juillet 2008, le dessinateur Siné se moque de Jean Sarkozy.
Comme en 70, un petit texte simple et court : « Jean Sarkozy vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d’épouser sa fiancée juive et héritière des fondateurs Darty. […] Il fera du chemin dans la vie, ce petit ! »
Ca passe mal sous la France du petit Nicolas. Le directeur de publication ET de rédaction de l'époque, Philippe Val affirme à son président chéri ne pas avoir lu cet article, c'est clair que c'est long à lire Charlie Hebdo surtout quand on le "gère". Du coup il veut forcer Siné à signer un papelard, une lettre d'excuse. Puis aux membres de Charlie Hebdo de dire qu'ils ne sont pas de l'avis de Siné, une lettre de dénonciation en quelque sorte. Et Val qui ose parler d'antisémitisme...
Le résultat est simple Siné est prié de quitter le journal, il fonde le sien Siné Hebdo.
Le documentaire ne donne pas une vision tranchée de Choron et c'est sa force. Quand on le regarde on voit juste une sorte de pot pourri, où un montage de prime abord pas terrible et même assez mauvais enchaine des situations sans explications et sans réellement de lien entre elles. Dès lors si on a pas un bagage rapide de l'histoire on ne suit plus rien. Je commençais vraiment à me demander l'intérêt de ce documentaire puis, perdu, j'arrête je me renseigne sur les points obscurs et je relance. Au début on interroge des gens qui ne supportent plus Choron comme Philippe Val le despote. Puis on montre aussi un passage poignant de Cavanna sur la mort de son ami Choron. Pour arriver à un retour aux sources, une visite du village d'enfance de Choron qui n'y a plus mis les pieds depuis un bon moment, passage totalement inattendu et c'est très bien choisi de l'avoir mis à ce moment là.
Dernier passage qui donne une vision assez humaine de Choron qui si il reste fidèle à lui-même il est tout de même loin de cette image de gars qui aimait juste montrer sa bite et dire des saloperies.
Au final globalement je me suis pas mal ennuyé, j'ai du mal à définir une note sur ce documentaire qui ne montre trop rien pendant une grande partie tout ça pour mieux présenter une fin bien meilleure, pour sa présentation du professeur Choron ou plutôt de Bernier, mais une fin qui a plus l'allure du reportage qu'autre chose. Il aura au moins le mérite de m'avoir fait faire des recherches sur le sujet.
"Moque toi d'une mauvaise réputation, crains une bonne que tu ne saurais tenir." - Robert Bresson
