Premier long-métrage de Michelangelo Antonioni, Chronique D'Un Amour se voit largement influencé par la plupart des films Noirs américains des années 1940 et ceux de Robert Siodmak en particulier. Et bien que le scénario s'apparente à ce qui se fait alors outre-Atlantique, le cinéaste italien n'en reste pas moins un artiste européen qui s'essaie au mélange des genres en incorporant le drame romantique à un sombre polar, offrant ainsi à l'œuvre une tonalité personnelle, mais aussi quelque peu brouillonne.
C'est un premier film, avec toutes les failles artistiques que cela peut comporter. Le style d'Antonioni, qui s'épanouira par la suite avec L'Avventura ou encore L'Éclipse, reste ici en filigrane tout au long d'un script rédigé à dix mains et qui hésite constamment entre la chronique de mœurs et le suspens hard boiled. C'est pourtant ce tâtonnement qui offre un charme singulier au métrage. En jouant constamment avec les non-dits que le cinéaste métamorphose en métaphores, le fil narratif peut aussi bien créer l'ennui que la fascination et reste ainsi une œuvre mineure pour certains et majeure pour d'autres.
Riche homme d'affaire au tempérament jaloux, Enrico Fontana engage un détective privé pour enquêter sur le passé de sa femme, Paola, qu'il a épousée deux mois après l'avoir rencontrée durant la Seconde Guerre mondiale. Très vite, le détective découvre le trouble passé de la jeune femme qui serait peut-être complice d'un meurtre déguisé en accident...
C'est l'excellente comédienne, alors débutante, Lucia Bosè qui incarne Paola, une femme fatale à la personnalité complexe et contradictoire. Manipulatrice s'adonnant à l'adultère, elle joue ici dans la cours des grandes à l'instar d'Ava Gardner dans Les Tueurs ou d'Yvonne De Carlo dans Pour Toi J'ai Tué..., deux Siodmak qui ont certainement inspiré les cinq scénaristes de Chronique D'Un Amour. Une femme fatale néanmoins sensible, peureuse, voire même lâche, qui n'inspire pas vraiment confiance, mais dont Antonioni dresse un magnifique portrait réaliste.
Dans le rôle de l'amant, Massimo Girotti est également parfait en endossant la personnalité d'un modeste vendeur de voiture éperdumment amoureux d'une femme toxique qui le pousse à devenir diabolique. C'est simplement dommage que le nombre trop conséquent de scénaristes amène le métrage à s'enliser dans une inutile complexité au lieu de se concentrer sur l'essentiel, à savoir le désespoir que peut faire naître une relation pernicieuse. Le thème est bel et bien abordé, mais reste continuellement allusif au détriment d'une enquête superficielle et relativement mal mené.
Chronique D'Un Amour reste donc envoûtant de par son casting impliqué et sa réalisation inspiré provenant d'un cinéaste plus que prometteur qui s'érigera parmi les plus doués de tous les temps. Une curiosité à impérativement découvrir.