Ouverture sur un long plan fixe d'un jour maussade se levant sur la capitale brumeuse et aux allures sordides. C'est ainsi que Ali Asgari et Alireza Khatami décident de nous présenter de manière inquiétante leur personnage principal, nous exhortent sans envie à le rencontrer en nous plongeant de manière inquiétante dans son horreur sonore et un enfer brueghelien annoncé par de menaçants croassements.
Les deux réalisateurs, qui n'ont résolument pas peur des des répercussions politiques de leur œuvre, donnent par là-même la clef de lecture de leur film : une succession de vignettes courtes (ou d'études de versets terrestres, comme l'indique le titre original , en plans séquences et statiques. Cette rigidité, qu'ils n'abandonneront que dans un épilogue métaphorique puissant, force à scruter, sans détourner le regard, sans fausse lâcheté, la société iranienne dans ce qu'elle a révoltant, d'aberrant, d'insoutenable parfois, de risible aussi (si l'on accepte de bien grincer des dents sur cet humoir noir, très noir).
Un pays où la morale est violente et permanente, comme un carcan solide (le cadre fixe des plans), où les injonctions faussement amicales à vivre dans la norme (indéfinie et variable d'ailleurs) viennent d'un en-haut inatteignable, d'un hors-champ impalpable, seulement représenté par des mains intrusives, où les humiliations, les incohérences, les contradictions et les hypocrisies sont lot commun et ordinaires.
Où les allusions et grandes vérités, les raccourcis et arguments d'autorités rédhibitoires sont éléments de langage.
Où les agents de la morale étatique (donc religieuse) ont des yeux partout, où leurs murs ont des oreilles.
Par cette proposition de cinéma radicale, étrangement agressive dans sa passivité, et finalement dure à vivre, Ali Asgari et Alireza Khatami dressent une sociologie du guichet glaçante (se permettant même un intéressant autoportrait).
Mais ce qui les intéresse finalement derrière cette galerie de saynettes toutes plus perturbantes les unes que les autres, est de filmer leur ville comme un vieux monde en train de mourir et qui ne mériterait plus que de s'effondrer sous l'impulsion, peut-être, d'une divinité toute puissante.