La note et la plupart des autres l'annoncent : c'est un mauvais film. Il n'y a pas grand-chose à dire dessus, mais essayons quand même d'élaborer un peu plus que les invectives traditionnelles.



Techniquement :


Les acteurs et actrices jouent mal, leur texte n'est pas naturel, on dirait même parfois qu'ils jouent dans des films différents comme la scène de la discussion de la mère et du protagoniste au lycée après la convocation par le directeur.

Les lumières et les couleurs ne vont vraiment pas, l'image est trop désaturée pour une luminosité trop haute et les teintes sont fades.

Dans beaucoup de scènes, par exemple la même que citée précédemment, il y a carrément des incohérences de plan, surtout dans les dialogues. (Typiquement : enchainer une vue de profil avec un 3/4 face ...)

Le rythme général est hésitant, il y a des accélérations trop courtes pour être efficaces qui sont entrecoupées de scènes longues et lentes toutes aussi insuffisantes pour installer durablement une ambiance.


Tout le long du film, les mouvements de caméras sont dans des entre-deux entre esthétisme "pro" (idées visuelles et harmonie de mouvement) et un réalisme hésitant (renforcé par pas mal de plans en caméra épaule non stabilisés) annulant les deux potentiels respectifs de ces choix de réalisation.



Sur le fond :


Le film dit trop vite ce dont il veut et va parler, sans préparation ni argumentation ou justification du sujet. On nous présente une famille dans le tabou moderne sur les sujets du sexe et il suffit de 10 minutes d'expositions balancée rapidement pour que le personnage de la mère décide d'aller à l'encontre de cet état de fait, annulant les regrets et la critique du protagoniste.

La position scénaristique de la sœur est un vrai problème : tout va globalement bien pour elle, il n'y a aucun enjeu, donc intérêt à nous montrer ses relations et ses ébats si ce n'est gonfler le temps du film par facilité. Son seul "problème" intervient à la toute fin du film, mais se règle bien trop vite. Elle est renvoyée en 5min chrono à sa condition idéale et épanouie, la détachant ainsi de tous les autres personnages en même temps que du réalisme qui semble voulu par le film. Par la même, le scénario se refuse d'aborder le problème d'un homme accro au plaisir, ce qui aurait été un contrepoint apportant de la nuance à un traitement qui en manque cruellement.


Le personnage de la prostituée offre un début de récit avec du potentiel, mais aurait largement profité d'une forme de balancement pour ne pas rester dans l'imagerie bourgeoise-libérale sur la question. La discussion des parents à son sujet à la fin du film est révélatrice de cette position morale bourgeoise entre esthétisation de sa profession et jalousie / mépris de classe. De façon générale, le regard du film est exagérément situé pour ne parler qu'a ce cercle - enfin, s'il avait été bien réalisé - dont la phrase citée en titre de cette critique est révélatrice - ainsi que d'une naïveté, pour ne pas dire pauvreté intellectuelle, terriblement mièvre - ou également :

" Le désir sexuel est forcément égoïste, non ? " balancé comme la conclusion d'un formidable exercice de philosophie morale, accidentellement mort au bord de la route de la réflexion.



Quelques bons points cependant :


Je trouve certaines scènes de sexe assez réalistes, notamment la scène de la première fois du protagoniste. Sans bruit, l'enchaînement des échelles de plan en resserrement est intéressant, le jeu des acteurs est moins faux, le rythme colle avec ce qui se dégage de la scène et le plan rapproché visages au moment de l'acte témoigne d'une séquence qui sait faire cibler la caméra sur ce qui est important et transmet efficacement l'ambiance voulue.

L'histoire finale justement, sur Coralie, intégré un rapport de la caméra également intéressant mais très largement inabouti.

La - presque seule - musique au piano est bien, ainsi que l'ambiance de fin.

Enfin, comme cité plus tôt, le film n'est pas absolument dépourvu d'idées visuelles - 4 ou 5 plans -.


Malheureusement, ces "bons points" n'adoucissent pas les importants défauts techniques et scénaristiques du film, qui n'en reste donc pas moins un film raté à plusieurs égards.

Gwaï
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le 5 juin 2022

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Gwaï

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