Citadel fait appel à des terreurs quotidiennes, ancrées dans l’inconscient collectif et relayées par les médias. Il s’appuie sur deux notions, l’une instinctive (la peur de l’Autre, de l’étranger) et l’autre circonstancielle (la peur de l’insécurité urbaine et le drame social des banlieues). Après le malaise, insidieux, s’impose très rapidement une terreur rythmée par les tentatives de Tommy à mener une vie normale malgré le traumatisme subi.

Sous ses faux airs d’Elijah Wood, Aneurin Barnard, dont délicatesse des traits suggèrent la même délicatesse de caractère est un pauvre héros auquel nous n’aurons aucune peine à nous identifier. Un jeune homme ordinaire, malmené par la vie sans aucune raison logique ni notion de destinée, victime d’une paranoïa que nous-mêmes ne saurons justifiée ou non. Longtemps, Ciaran Foy joue avec nos nerfs comme il le fait avec ceux de son protagoniste principal ; comme Roman Polanski a pu le faire dans Le Locataire ou Répulsion.

Le réalisateur a lui-même été victime d’un évènement brutal à l’origine d’une forme d’agoraphobie, dont les similarités avec le début de son film sont saisissantes. Cette experience lui a servi à retranscrire de manière édifiante l’impuissance et la terreur face à une violence qui ne semble pas trouver de but ni de raison. Ces jeunes sans visage qui peu à peu se révéleront de plus en plus monstrueux, et ne sont pas sans rappeler le Chromosome 3 de Cronenberg, voire même La colline a des yeux d’Aja, en sont pourtant très éloignés au sein d’un film qui restera toujours ambigu sur son caractère surnaturel. L’imaginaire de Tommy sculpte l’univers dans lequel il évolue, tandis que nous sommes prisonniers de sa vision des choses comme d’une réalité cauchemardesque, et comme ces enfants sont prisonniers d’un cadre malsain qui les rend monstrueux.

C’est cette atmosphère, favorisée par une excellente bande originale, qui saura, sans l’usage des artifices typiques du film d’horreur de mauvaise facture, rendre Citadel très éprouvant. Les grands espaces urbains déserts ou envahis par l’obscurité poussent l’oppression au maximum, jusqu’à cette maigre protection apportée par une salvatrice mais fragile porte d’entrée.

Citadel, instinctif mais aussi terriblement d’actualité, s’approprie ainsi nos peurs, et plonge dans les dérives entraînées par la paranoïa face à cet Autre aux actes inexplicables. Implacable et entier, il se hisse avec aise au palmarès des meilleurs films d’horreur de ces dernières années.
Filmosaure
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le 30 nov. 2012

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