Scott Adkins et Nick Chindlund se gâchent dans un ersatz de "Walker Texas Ranger"

On pourrait considérer que Scott Adkins est la Pierre Philosophale de Isaac Florentine, réalisateur laborieux, fauché mais non dénué d'idées (quand il s'en donne la peine). Malheureusement posséder un tel talisman ne fait pas de vous un homme riche à coup sûr, encore faut il avoir les "bonnes" idées.


Pour comprendre le chemin de croix du réalisateur israélien Isaac Florentine, il faut avoir survécu au visionnage de l'immense catastrophe artistique que fut Bridge of Dragons (1999). Réalisé pour la toute jeune boîte de production NU IMAGE qui n'avait pas encore permis la naissance de John Rambo (2008) et The Expendables (2010), il précédait la toute aussi bête série des Shark Attack (1999) qui allait faire le bonheur de Sci-Fi et d'une nouvelle génération d'amateurs de filmographie bis voire Z. Bridge of Dragons est à la carrière de Dolph Lundgren, ce que Street Fighter (1994) fut à celle de Raúl Juliá. Une macule indélébile, violente, une tâche du vin le plus épais et le plus rouge qui soit. C'est le trou noir d'une partie de la vie d'un acteur, le film dont on ne prononce pas le nom, mais que beaucoup ont vu, en cachette, ne serait ce que pour entrevoir que peuvent causer les ravages d'une réalisation désastreuse, d'un script foireux, d'une direction d'acteurs à la dérive et d'un package global à la ramasse.


Sans Scott Adkins, Isaac Florentine tournerait il encore, rien n'est moins sûr. Pourtant En deux franchises, les Undisputed sur le parcours du combattant des prisons Boyka et les Ninja, le réalisateur a su retrouver un souffle et un acteur capable de bonifier la moindre scène d'action, de combat, au point d'en faire l'élément central de tous ses projets. Faire revivre un genre aussi éculé et vu et revu que les films sur les combats en milieu carcéral et le genre du film de Ninja est non seulement miraculeux mais aussi la preuve d'une certaine maitrise de son art.


Sans jamais atteindre les sommets, Isaac Florentine avait su donner de la nervosité et de l'inventivité à ses films, bien aidé par son acteur fétiche, monstre de perfectionnisme et jamais avare dans l'effort. C'est donc avec une certaine impatience que s'annonçait ce Close Range incorporant dans son casting le trop méconnu Nick Chindlund, célèbre tueur en série et pervers démoniaque dans X-Files (Saison 2 et Saison 7, le personnage du "Fétichiste"), Seal se Sacrifiant dans les Larmes du Soleil d'Antoine Fuqua (2003), le "Barge" dans Les ailes de l'Enfer (1997) avec Nicolas Cage ou encore "Toombs" dans Les Chroniques de Riddick (2004), la suite de Pitch Black.


Le film s'avère être une immense déception très vite dévoilée par l'aspect fauché du métrage qui rappelle le dispensable Border Patrol (aka Traffic Mortel ou L'empreinte de la vengeance en 2008) avec Jean Claude Van Damme, en moins bon. Nous sommes proche de la qualité d'un DTV de la série Walker Texas Ranger, à cela près que Chuck Norris avait moins de fights -et de talent de chorégraphe-, mais plus de scénario sur 40min. L'Arizona prête ses grands espaces désertiques, un Ranch isolé et un grand parking à ce tournage que tout semble accabler. Acteurs nuls ( Jake La Botz, modeste chanteur de son état, mélange de Chris Isaak et de Neil Patrick Harris du pauvre, n'a aucune crédibilité et semble totalement hors-sujet), rythme lent, un sentiment de claustrophobie le film se passant essentiellement dans un périmètre de 100m autour d'une maison alors que nous sommes en plein désert montagneux, musique inintéressante voire carrément pompeuse (le duel à la fin du film plaçant une sorte de musique rock à la Ennio Morricone 3.0 enterre le bon goût) et des gunfights qui semblent se rappeler dans un élan de nostalgie les antiques grattages de pellicule à cela près qu'un ordinateur au logiciel des plus basiques s'en est chargé.


Le film n'est pas aidé par un doublage pour la VF d'un amateurisme suranné. Il me semblait que depuis les années 90 on ne faisait plus dire à un hispanophone "Mé yé souis oune Mexicanos, yé déteste lé Gingos", c'est bien un doublage venu de l'espace qui nous est servi avec des "é", des "ou" et des "gringos" à tout bout de champ, la fille est une "Ira", une "Chica", "Tou é belle", "Toué le".... Épuisant.


Massacré par la VF, le film lui massacre ses références. Un petit texte rouge sur fond noir pour rappeler ce qu'est un Samouraï, un Ronin, histoire de donner un cachet "intellect" au film. C'est mignon mais un Samouraï en Arizona, j'ai du mal à me le figurer. En fait il faut comprendre qu'un ancien soldat devenu un mercenaire à la petite semaine, c'est l'héritier dégénéré d'une longue filiation avec ses ancêtres, les esthètes guerriers des Shogun, parfois lancés sur les routes une fois privés de la Maison qu'ils servaient. Ceux ci à l'occasion pouvait sauver des vies et être les gardiens d'une population au hasard de leur chemin. Je ne suis pas loin de penser qu'on me susurre à l'oreille Yojimbo (1961) d'Akira Kurosawa. J'ai la nausée. Plus loin le générique fait furieusement penser à Machete Kills (2013) de Robert Rodriguez, la larme coule au coin de l’œil et le bouchon de la dernière bouteille de Calva saute quand le duel Scott Adkins - Nick Chindlund reprend les codes du western Spaghetti, la maestria de la musique en moins. Duel qui est un des rares moments de tension efficace, où l'on touche du doigt un début d'émotion.


Si l'on passe ce premier cap on atterrit sur deux écueils qui devraient être bannis de tout projet sous peine de renvoi immédiat du directeur artistique. Un générique long comme un dimanche de pluie, coloré "à la Rodriguez" mais spoilant la moitié des scènes de combat du film. Résultat, soit on dé-fleure 80% de ce qui fera l'intérêt de ce visionnage, soit on ferme les yeux et on supporte une musique ta la la la bim tsoing tsoing mêlant influences hispaniques et Guitare Country. Deuxième récif que notre navire percute de plein fouet: le remplissage. Quand un homme descend d'un péron pour se rendre à sa voiture, 50m plus loin, on fait plusieurs plans, on cadre le personnage central de l'action près de la portière, on ne le filme pas dans un plan fixe pendant 15 secondes... 15 secondes... c'est long 15 secondes, surtout quand ce type de scène se répète trois fois dans le film en moins de 45 minutes ! Mais le spectateur avisé aurait du sentir cela dès le début du film, quand les mexicains se rendent au ranch où se déroulera l'essentiel du film. La caméra va alors filmer, chaque voiture, chaque équipage, et faire systématiquement un arrêt sur image avec un texte en sur-impression nous dévoilant l'identité du personnage. Quand quatre personnes se partagent une voiture, cela passerait, mais quand il y a quatre voitures, c'est long, long et stérile. Le spectateur se fiche de savoir qui est Ortiz, Lobo, Loco, Montanez,.... ect parce que ces personnages ne seront jamais fouillés par la suite, à moins de faire de ce film un film choral, et quand le synopsis annonce d'un ancien soldat fugitif tente de protéger sa sœur et sa nièce dans un ranch assiégé, on se doute que ce n'est pas un film choral. Chacun de ses personnages que l'on nous présente sans autre formalité qu'un nom et un pseudonyme est un anonyme en vérité et on remplit ainsi, on remplit 1min12 de pellicule. Or nous en sommes alors à 17min32 de film et entre le générique et cette présentation des plus futiles, prétexte à passer un titre de narcocorridos cette musique latino ventant les mérites des cartels, nous venons de perdre 4min30 de notre temps pour voir une succession de bastons (d'ailleurs les bastons ouvrant le film sont particulièrement mal filmées par rapport aux quelques autres) et d'insipides dialogues.


On a bien vou sortir le Gringo mais il é sourti de noulle part!
Qu'est ce que tou raconte, noulle part ça n'existe pas
(silence)
C'est pas oune toueur d'oune autre cartel, c'est pas possible il n'y en a pas oune seule qui ourait engagé oune gringo!
(silence)
Qui s'était la Chica
(silence)
D'où elle sort
(silence)


Il faut préciser que les doubleurs pour se donner un coté "cartel" parlent en se raclant la gorge comme si une épidémie d'angine avait frappé le studio. L'histoire n'a pas avancé d'un pouce, or doit on rappeler que le film complet, crédits de fin inclus, dépasse à peine 81 minutes.


Un grand n'importe quoi dont la seule vision d'un clip de Jake la Botz, le Chris Isaak des Rednecks du désert vous donnera en bien moins de temps un échantillon. Musique low cost, réalisation low cost, jeu d'acteurs low cost, doublage.... si indigent que ça serait insultant pour le concept de low cost. Doit- on aussi revenir sur la jaquette mensongère du DVD ! On s'en passera.


02/10 seulement pour les prouesses martiales de Scott Adkins, peu importe la VF, car Comme le diraient volontiers nos mexicains préférés "yé oune boune nouvelle pour vou ! Au moins lé doublage, yé souis pour rien!"

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le 24 janv. 2016

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