CODA
6.3
CODA

Film de Sian Heder (2021)

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J'ai détesté La Famille Bélier, sa manière de faire passer les sourds comme des ados attardés et vulgaires incapables de se comporter correctement, ses sous-intrigues bâclées, quand elles ne sont pas quelquefois en plus inutiles (oui, je pense à toi, campagne pour les municipales lors de laquelle on passe directement d'un candidat insultant ses futurs administrés à une victoire balancée lors du générique de fin ; ouais, si vous voulez gagner une élection, il ne faut pas tromper les votants avec des promesses intenables, il faut en fait les insulter !), sa jeune actrice principale jouant comme une patate, son aspect téléphoné.


Et ce n'est pas parce que l'idée de départ scénaristique est mauvaise. Avec des personnages subtils, une rigueur dans l'écriture, une jeune actrice principale ne jouant pas comme une patate, en s'engouffrant dans autre chose que dans des sentiers ultra-balisés, le film aurait pu être très bon. En vérité, au-delà des défauts susmentionnés, ce que je hais le plus du résultat final, c'est qu'il passe complètement à côté d'un potentiel formidable.


Donc, j'avais bon espoir que ce remake américain gomme tout ce qui fait de l'original français une merde. Ben, non.


Certes, il y a une toute petite amélioration par rapport à son peu illustre prédécesseur. Emilia Jones a plus de talent que Louane (ce qui n'est pas un exploit non plus !). Excepté la romance entre le frère et la meilleure amie (sous-exploitée alors qu'elle m'a apporté mon seul éclat de rire de toute la vision !), aucune sous-intrigue est inutile (mais ce n'est pas pour autant que je ne vais pas m'abstenir de formuler des reproches sur ce point plus loin !). Ah oui, j'avais oublié d'évoquer que les personnages sourds sont cette fois incarnés par de véritables sourds : ce qui est plus cohérent et humainement bienvenu.


Bon, alors, on reprend les sourds qui sont forcément des ados attardés et vulgaires incapables de se comporter correctement. Deux sous-intrigues sont bâclées (les répétitions et les proches de la protagoniste devant se débrouiller seuls ; je vais y venir tout de suite !). Quelques leçons de chant réduites par des retards fréquents suffisent à faire atteindre le niveau pour intégrer Berklee. C'est bon à savoir. Et la condition paraissant irrémédiablement désespérée des proches (au contraire de la campagne pour le poste de maire qui aurait pu être supprimée sans que cela ne change rien, cet état de fait a au moins le mérite de lier étroitement le destin des parents et du frère avec la possibilité de contrarier le futur de l'apprentie chanteuse !), par rapport à leur avenir professionnel et leurs finances, est torchée, solutionnée en un claquement de doigt par le miracle de la paresse scénaristique, juste pour pouvoir plaquer un happy-end. Et il y a l'aspect téléphoné.


Ce dernier donne pour chaque histoire racontée une structure désespérément conventionnelle ; en conséquence, devinable à des kilomètres. Le récit est lancé, paf situation antagoniste obligatoire, même si on aurait pu s'en passer (le fait que le petit copain soit trop une pipelette, créant ainsi un conflit, le professeur de musique fâché par ce qui paraît être un manque d'investissement de son élève, les difficultés que rencontre la famille nucléaire sourde dans leur profession de marin-pêcheur !) et la résolution.


Pour le cas précis des problèmes que connaissent le père et le frangin par rapport à leur handicap dans leur boulot, que ce soit bien clair, je trouve très bien et noble de les mettre en relief. Cela souligne le type d'obstacle qu'ils peuvent rencontrer à cause de leur surdité par rapport à leur métier. C'est juste que même devant cela, je n'ai pas pu ressentir un autre sentiment que de la lassitude à cause de l'excès d'utilisations de ce squelette narratif trop attendu. Oui, à force de trop employer un truc, on lui fait perdre de sa force. À force de trop employer un truc dans une œuvre de fiction, elle devient prévisible et perd de son intérêt.


L'ensemble (en outre, d'une réalisation très téléfilmesque, sans la plus audace technique !) a remporté l'Oscar du meilleur film. On peut d'ores et déjà le fourrer dans la malle, au bord de l'implosion, contenant les très nombreux ratés dans les choix pour cette récompense depuis son existence, car Coda s'oublie à la vitesse d'une taloche de Will Smith.

Plume231
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le 29 mars 2022

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Plume231

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