L'introduction de "Code Inconnu" est simple et magnifique. La fin l'est également. Au milieu de tout cela, une addition de plans-séquence. Anne est actrice. Georges reporter. Jean tente de fuir son agriculteur de père, Maria est une mendiante roumaine qui aide les siens au pays, tandis qu'Amadou est éducateur musical pour des enfants sourds-muets, etc...destins croisés pour une ligne droite de deux heures.

La grande force du film d'Haneke, c'est tout d'abord la réflexion qui s'ouvre à l'apparition du générique de fin. On se surprend à évoquer les thèmes mis en avant dans la pellicule, la communication au sens large étant sans doute la question prédominante. Peut-on se comprendre lorsque l'on est totalement différent de l'autre, lorsqu'on n'a pas le même sexe, lorsqu'on ne parle pas la même langue, lorsqu'on n'a pas grandi dans le même environnement, connu les mêmes choses ? La vie n'est un long fleuve tranquille pour personne, et c'est ce que le réalisateur nous montre sans détour. Enfin, un peu quand même. Les séquences sont étirées au maximum, et si les acteurs avaient été mauvais, et les évènements inintéressants, l'on aurait vite fait de s'ennuyer. Heureusement, ce n'est pas le cas. Pas trop. Mon seul regret étant l'écriture ratée de certains dialogues, dans un français certes correct d'un point de vue grammatical, mais que personne ne parle dans la vie de tous les jours. Cela finit par ôter une partie de la candeur et de l'apparente simplicité de l'ensemble, dommage.

Juliette, star de binoche, est à la fois sophistiquée, intouchable (voir la scène du métro), et incroyablement naturelle à l'écran. Thierry Neuvic fait le job avec juste ce qu'il faut de nonchalance et de "blasitude". Mention à Ona Lu Yenke, ce jeune éducateur d'origine africaine avide de justice et très investi dans son rôle auprès d'enfants au lourd handicap à qui il apprend les percussions. Si le réalisateur autrichien a su s'entourer, il ne néglige pas la forme pour autant. Des plans-séquence, pas de liant à priori. Et pourtant, au milieu de cette austérité, l'histoire est bien là. Il faut la chercher parmi les indices, certains pas évidents du tout, disséminés dans les deux heures de film, comme si Michael Haneke avait décidé de coder, crypter son récit. De montrer (volontairement sans doute) une certaine difficulté à exprimer ses idées, mais surtout de donner du fil à retordre au spectateur, qui peut se retrouver décontenancé par cet essai si loin de la norme. Mis bout à bout, cet enchaînement de scènes n'Haneke ni tête. En apparence en tout cas. Pas de fil directeur à proprement parler, mais plutôt des tranches de vies, de personnes d'horizons, d'âges, et de cultures différents, à assembler soi-même (les tranches de vie, pas les personnes...).

Au final, il est difficile de recommander cette oeuvre. Je le fais quand même, ne serait-ce que pour l'expérience en elle-même, mais surtout pour les passionnantes discussions qu'un tel visionnage pourrait provoquer avec votre entourage, qui sera bien obligé de tendre l'oreille.
Gothic
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le 6 févr. 2015

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