Une œuvre dense, parfois crue, baroque, qui montre quelles que soient les générations, l’indicible cruauté de l’existence confrontée à la solitude et aux illusions perdues.
Santiago, un père gay dans la cinquantaine (ce serait le sugar daddy parfait), est à un tournant de sa vie. Il traverse une période chaotique. Chef et propriétaire d'un restaurant prestigieux et prospère, son compagnon, Luis, vient de le quitter, et sa fille adolescente, avec laquelle il entretient une relation fusionnelle, qui il vit, ne le supporte plus. À cela s'ajoutent sa mère âgée, Isabel, et sa sœur, Laura, dont la relation n'est pas des plus harmonieuses.
Santi, il faut le préciser, n'est pas mauvais et n'a pas de mauvaises intentions, même s'il est égocentrique, ne sait pas, ne peut pas ou ne veut pas voir plus loin que son propre nez, et cherche à compenser ses difficultés émotionnelles par des cadeaux et des voyages, tout en se faisant des illusions en se disant que tout ira bien ainsi.
Il comprend que sa vie s'effondre, et avec elle, celle de ceux qu'il aime mais ne sait pas comment réagir.
Son comportement de plus en plus plutôt erratique qui emmène à déambuler entre anciens amants, chemsex et plans à trois pour essayer de combler son vide existentiel.
La relation avec sa fille, sera peut-être la clé pour trouver la motivation pour réorienter son existence…
Dans ce rôle complexe d’un « cœur errant », le séduisant Leonardo Sbaraglia (Vies brûlées, Douleur et gloire) offre une prestation renversante dans ce portrait d’un hypersensible, parvenant à transmettre avec une grande justesse l’exaltation, la tendresse débordante, le romantisme compulsif, la désorientation, l’angoisse, le désespoir et surtout le désir pressant d’aimer et d’être aimé.
Santiago vit l'amour comme une addiction, et son absence comme un vide insupportable et glacial.
« Cœur errant » s'ouvre sur une soirée gay dans un manoir. La caméra à l'épaule parcourt les différentes pièces et les corps d'hommes nus qui dansent, boivent, s'embrassent et font l'amour sans aucune gêne. Tout est chaotique. Ce qui est montré et comment c'est montré. Et cette présentation de l'histoire reflète la vie de Santi et la manière dont le réalisateur et le scénariste choisissent de la raconter : viscérale et passionnée.
Les thématiques ne sont pas nouvelles, mais le film de Leonardo Brzezicki réussit à être non seulement divertissant, mais aussi mémorable dans la description des personnages et des situations et dans les dialogues bouleversants.
Mais, surtout, c'est un film mémorable grâce à la performance magistrale donnée par un fier Leonardo Sbaraglia. Le protagoniste de « In the City », « Intacto ou encore « vies brûlées » montre ici cette vulnérabilité et cette émotion qu'il avait déjà su trouver dans son rôle précieux et inoubliable dans « douleur et de la gloire », d’Almodóvar.
Mais ici, il a le rôle principal et tout le film repose sur ces épaules. Il y dégage à la fois une vitalité et une émotion contagieuses, et est plus attrayant et charismatique que jamais. Et sexy aussi…
Leonardo Sbaraglia est un miracle. Ce film, c'est LUI. Il aborde avec brio un personnage très complexe, et il s'y donne à fond, à fond.
Il s'y donne à fond, avec transparence, avec vérité, sans la moindre prétention, sans exhibitionnisme, sans artifice ni artifice. L'Argentin se met à nu physiquement et psychologiquement. Son pouvoir gravitationnel est si immense que tout ce qui l'entoure (les autres acteurs, le scénario, la mise en scène) tourne autour de son soleil.
Ceci dit ce n’est pas un film facile. Du début, très inconfortable, à la fin, douce-amère, on ressent la douleur, l’anxiété de Santiago. Mais aussi sa joie et son espoir.
Le film colle parfaitement à l'époque où nous vivons, à cette incertitude quant à l'avenir et à l'angoisse de vouloir bien faire, mêlées d'humour et de quête d'amour.
À travers une mise en scène aussi raffinée qu'intense, où la caméra se pose sur les corps, les visages et les différents espaces pour saisir les moindres détails expressifs et corporels de ses personnages, Brzezicki explore le monde intérieur de « Santi » et ses relations, en extériorisant ses actions, ses mouvements, ses gestes et l'espace dans lequel il évolue.
La cinématographie du Brésilien Pedro Sotero (Rojo, 2018 ; Bacurau, 2019) est délicate, soignée, personnelle, mais son histoire a une teinte de vérité pure et poignante.
Pure douleur, pure joie, pure vie !
henri mesquida Pour le groupe Facebook : cinéma et littérature gay.