Raison: « Bon, les amis, le dernier RMM n'a rencontré qu'un succès mitigé. Avec le temps qu'on a passé à l'écrire, je m'attendais à mieux.

Relativisme: Bah, on ne peut pas toujours être au top.

Pessimisme: On s'est laissés bouffer par notre succès!

Optimisme: Mais non, il était très bien cet épisode! Nolan35 et Lucie L. ont adoré!

Ego: Oui, mais Kenshin était très déçu.

Raison: Ah toi ne commence pas! Sinon je vais me perdre et je laisse venir la colère.

Tout le monde se fait tout petit, pétrifiés de terreur à l'entente de ce nom.

Ego: Je... Pardon.. J'arrête. Je ne dis plus rien.

Raison: Je préfère. Bon, pour ce cinquième épisode, on va essayer de retrouver la fraîcheur des RMM sur Wes Anderson, et pour retrouver cette inspiration, nous allons parler d'un réalisateur qu'on aime tout particulièrement.

Humour: Jay Roach?

Raison: Pfff mais non voyons... Il n'y a que toi ici qui aime Austin Powers. Je parle d'un vrai cinéaste.

Folie: Et pourquoi c'est toujours toi qui décides de ce qu'on va faire?

Subversion: C'est vrai, ça!

Raison: Mais... Mais parce que si c'était toi aux commandes, ce serait la...

Folie: Oui? La quoi? Je t'écoute?

Efficacité: Ça suffit les batifolages! La patronne c'est Raison, et elle a ses raisons qu'elle ignore. Point. On avance, maintenant. On a une critique à rédiger! Folie, tu retournes aider Inspiration, elle a besoin de toi. Où est Amour ?

Amour : Présent ! Fidèle au poste.

Pessimisme: « Fidèle au poste ». Qu'il est con ce hippie. Comme si on avait le choix.

Efficacité : Très bien. La critique il faut l'écrire avec Amour, c'est la base.

Amour : Merci, ça fait plaisir d'être reconnu à ma juste valeur.

Raison : Moui... Je trouve qu'on surestime un peu trop l'Amour... Je ne le trouve pas net, moi.

Plaisir : Oui, ben heureusement qu'il est là, parce que c'est pas avec toi qu'on prendrait goût à la vie.

Raison : Mais qu'est-ce que vous avez tous aujourd'hui ?

Empathie : Tout le monde est à cran parce qu'on a le sentiment d'avoir raté le RMM#4, c'est évident.

Motivation : Bon, on l'écrit cette critique ? Je suis chaud patate moi ! On parlait de critiquer un réalisateur qu'on affectionne tout particulièrement !

Curiosité : Kurosawa ? Miyazaki ? Sofia Coppola ? Kusturica ? Verbinski ? Gilliam ? Edgar Wright ?

Humour : Oh oui, oh oui, Edgar Wright !

Raison : Non non, ce n'est pas d'eux que je voudrais parler. On va parler d'un Jim Jarmusch.

Logique : Ah oui, ça me plaît ! C'est parfait pour enchaîner après Wes Anderson ! David Fincher n'avait rien à faire au milieu.

Efficacité : Bon, cette critique, ça vient ?

Créativité : Voilà, voilà ! Elle est finie ! Je bosse moi, pendant que vous débattez. On se relit ? 

Conscience : Évidemment qu'on se relit.»

Read My Mind #5 : Coffee and Cigarettes

Amie lectrice, ami lecteur, bienvenue dans ce cinquième épisode de RMM. En ce moment, c'est marathon Jim Jarmusch, comme je l'avais fait avec la filmographie de Wes Anderson. Je mets ces deux réalisateurs que je chéris sur un pied d'égalité :
Indépendants, ils sont entourés d'acteurs côtés, qui viennent chez eux trouver autre chose, et les fidélisent. Ils ont même Bill Motherfuckin' Murray en commun. Les deux ont leur patte, on peut deviner qu'un film est d'eux au premier coup d’œil.
Ils ont aussi en commun l'art subtil de garder un style intrinsèque tout en parvenant à se renouveler et à surprendre leur public.
Mais tout ça, on s'en contrefout.

La routine : canapé, télé, Ben & Jerry's, bienvenue dans mon cerveau, tout ça. Quoi, vous ne comprenez rien à cette critique ? Ben oui, mais c'est le cinquième épisode, je ne vais pas expliquer le concept à chaque fois, vous n'avez qu'à me lire. Non mais.

J'insère le DVD (eh oui, pas de blu-ray cette fois ci, le budget a baissé).

D'entrée, le film est comme cette critique : rien n'est expliqué, c'est absurde, mais à bon entendeur qui connaît déjà le style et l'apprécie, la qualité est bien là et ça fonctionne. 

Humour : « Popopopoooooo ! On brise le quatrième mur littéraire, direct ! J'aime ça !

Cynisme : Oui oui, et ça ne fait pas du tout prétentieux en plus.

Orgueil : Je ne trouve pas ça prétentieux du tout, moi ! »

Coffee and Cigarettes -deux ans plus tôt- était mon premier Jarmusch, mon dépucelage, comme dirait Takeshi29. J'en gardais le souvenir flou d'un film plaisant mais un peu creux, et je craignais que le deuxième visionnage, lors du marathon, m'ennuie.

C'est exactement le contraire qui se produit : plus initié au style Jarmusch -que j'apprécie un peu plus à chaque nouvelle œuvre découverte- je le redécouvre et me régale dès les premières minutes, avec ce duo Benigni/Wright qui annonce brillamment la couleur de ce somptueux noir et blanc.

J'ai déjà ce sourire figé, je jubile. Cette sensation récidive depuis que je regarde Jarmusch, ce même sentiment de perfection et de finesse intellectuelle qu'avec Anderson... C'est si bon !

Le casting est tout bonnement hallucinant : vingt-quatre stars qui se bousculent pour nous faire rire, nous interloquer ou encore nous émouvoir. Avec toujours l'humour pince sans rire propre au facétieux Jim. Jim ou Iggy ? Iggy ? D'accord, Jim.

La rencontre entre Iggy Pop et Tom Waits : jouissive.

La rencontre entre Alfred Molina et Steve Coogan : mythique (La mise en abyme au sommet de son art).

La rencontre de GZA et RZA du Wu Tang Clan avec Bill mortherfuckin' Groundhog day Ghostbusters Murray : plus que jouissive.

Et toutes les autres.

J'ai l'odeur du café dans les narines, je passe en mode happy, les cadrages parfaits, les contrastes, les changements de point de vue... Mes yeux sont heureux, et pas besoin de grand chose. Dans ce film Jarmusch est à la caméra fixe ce qu' Anderson est au travelling dans The Grand Budapest Hotel...

Je me rend compte au fil de mon visionnage que si l'on pourrait croire, au début, qu'il n'y a aucun lien entre chaque court-métrage, c'est faux: le travail d'ambiance, les sujets de conversation et les attitudes des personnages sont très imbriqués, correspondent indirectement, créant une bulle filmique sans faille ; de l'absurde cohérent parfaitement maîtrisé. Absurde cohérent, oui, j'aime cet oxymore qui vise à désigner l'absurde comme un art qui crée sa propre règle : celle de nous faire croire à l'absurdité.
Il y a un mot pour désigner la filmographie de Jarmusch : le génie.

La frontière entre art et réalité semble intéresser Jim: certains acteurs jouent leur rôle, d'autres un caractère du film, mais le fait qu'ils soient tous connus donne une ampleur à cette invraisemblance, plaçant figurants et protagonistes au même niveau, ce qui, il me semble, n'avait jamais été fait auparavant à un tel niveau -sinon par Wes Anderson. Du génie vous dis-je.

Et puis il y a la musique, toujours aussi bien dosée et distillée.

Parfois certains courts s’essoufflent, c'est vrai. Mais Lassitude n'a pas le temps de poindre qu'on enchaîne sur le suivant.

Et puis, ce film sent le tabac, le café, le vieux Juke Box, la nostalgie du temps perdu y rencontre la perdition du temps présent, autour d'une table aux carreaux noir et blancs qui donnent envie de jouer aux échecs...

Ce film c'est la vie, les non-dits autour d'une table, les doutes, les gens qui se parlent, ceux qui s'écoutent, ceux qui ne s'écoutent pas, l'ironie d'une femme splendide et attirante et d'un serveur maladroit, le malaise de deux hommes qui ne savent pas quoi se dire, l'hypocrisie des acteurs, la mélancolie, les bizarreries.

Que dire de plus ? Coffee and Cigarettes n'est pas à mes yeux le film conceptuel et intellectuel que certains perçoivent, c'est un OFNI, un film mineur, certes, mais qui dans mon cœur occupe la place d'un des plus grands jamais créés.

Parce qu'il y a des acteurs qui s'amusent. Parce qu'il y a Bill motherfuckin' Murray. Parce que c'est intelligent, fin, subtil, parce que c'est drôle, parce que c'est cynique, parce que c'est touchant, parce que c'est sensible, parce que c'est absurde mais que ça tient la route...

… Parce que c'est Jim Jarmusch.

On finit en beauté avec la scène coupée de Bill Murray déguisé, touche d'humour privée d'un film qui ne se prive pas de private jokes.

Et voilà, vous avez à nouveau vu un film à travers moi. Je ne sais pas vous, mais moi je ne m'y suis toujours pas fait, à cette sensation. Heureusement que je suis concentré sur le film, sinon vous auriez droit à ma liste de courses, mes fantasmes sexuels ou pire encore.

N'hésitez pas à m'insulter dans les commentaires, parce que ma série c'est de plus en plus n'importe quoi, parce que c'est interminable, parce que ce paragraphe n'est pas la fin comme d'habitude, parce que ça part en fumée, pour cette blague, parce que vous n'avez rien compris et que ça vous donne un sentiment d'infériorité, pour cette phrase.

Je vous aime.

Curiosité : « Alors, on en pense quoi ?

Lassitude : J'aimerais bien dire que c'est comme d'habitude : trop long, décousu, faussement intelligent, que la mise en abyme était peut-être amusante une fois mais pas deux... Mais comme je suis citée dans la critique, ça me fait plaisir alors je me tais.

Pessimisme : Ça va planter, c'est sûr. On exploite trop le concept, Lassitude à raison, à un moment il faut arrêter !

Créativité : Mais j'ai encore plein d'idées pour nous !

Raison : De toute façon, je valide.

Humour : Moi, j'A-DO-RE !

Raison : En tout cas c'est du pur Read My Mind : La critique reflète le film, il y a de l'humour, de l'auto dérision et de la lecture de pensée. On valide.

Flemme : Ouf. J'avais peur qu'on ait fait tout ça pour rien.

Modestie : Et moi, je n'ai jamais mon mot à dire ?

Créativité : Si vous voulez, on peut ajouter notre débat en plus de la critique ! Comme pour l'épisode 2 ! Vous savez, notre critique la plus appréciée !

Ego : Bonne façon de penser.

Angoisse : Mais ça va être beaucoup trop long !

Raison : oui, et puis c'est paradoxal : on dit dans la critique qu'elle commence de manière abrupte, qu'elle n'explique rien, qu'elle est absurde, comme le film. Mais pour qu'on dise ça il fallait qu'on sache qu'on allait la mettre en page de cette façon ! Sacrée paradoxe. Comment as-tu fait, Créativité ?

Créativité : C'est la magie de la littérature.

Raison : « Magie »? Tssss... Tout s'explique rationnellement.

Folie : Ben voyons.

Bêtise : je ne comprend rien à ce que Raison vient de dire. Je crois que je vais nous donner mal.

Efficacité : Vous ne croyez pas qu'il est temps de conclure ? Je vous rappelle que nous somme lus, là : les lecteurs aiment lire les coulisses d'une critique à la limite, pas les coulisses des coulisses, faut pas pousser.

Raison : Pour finir alors, je dirais que ce film est génial, parce qu'il ne raconte rien mais qu'il est passionnant.

Orgueil : Comme notre critique.

Ironie : Tout à fait. »

http://www.senscritique.com/liste/Read_My_Mind/599485
Veather
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le 6 déc. 2014

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Veather

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