Ultime référence de la kung fu comédie qualifiée même de dernière œuvre définitive du genre, Jackie Chan réunit l'impensable au coeur d'un même film.
Motivé par le succès de "Il était une fois en Chine" de Tsui Hark, il décide de reprendre son gros classique fin 70's sur l'apprentissage et la jeunesse de Wong Fei Hong, "Le Maître Chinois" qu'il juge désormais trop mou niveau combats, pour l'adapter aux nouveaux standards 90's beaucoup plus nerveux, tout en gardant l'essence jeune et fougueuse de son personnage qu'il maîtrise encore parfaitement malgré ses 15 ans de plus au compteur.
A la différence de ses collègues, il tient aussi à montrer qu'il est inutile d'utiliser des câbles et de faire voler tout le monde frénétiquement et préfère revenir à l'essence du genre. Pour se faire, quoi de mieux que de faire appel au Sifu Liu Chia Liang à la réalisation, ancien pilier de la Shaw Brothers, inventeur de la kung fu comédie, et réalisateur des perles du genre (la 36ème Chambre, etc).
Le casting mêle donc Jackie Chan et son équipe avec d'autres gloires plus anciennes, notamment la présence magique de Ti Lung en père dur mais juste de l'indiscipliné Wong Fei Hong, et celle magnifique de Liu Chia Liang lui-même, en maître de kung fu ermite un peu dépassé par son époque, image pas si éloignée de la réalité du réalisateur.
Malheureusement, ou heureusement, tout ne fut pas rose pendant le tournage. Les visions radicalement différentes de Jackie, maître du divertissement percutant et de Liu, maître du kung fu pédagogique, aboutirent à l'éviction de Liu par Jackie avant la fin du tournage. Le final est à ce propos entièrement réalisé par Jackie contrairement au reste, mais ne démérite pas pour autant. C'est même simplement un des plus beaux combats qu'il ait réalisé.
Le mélange de philosophie martiale tolérante chère à Liu Chia Liang, sa maîtrise des chorégraphies la plus pure du genre, son aptitude à installer ici encore un cocon restreint propice à l'apprentissage de la voix martiale, et l'art du divertissement de Jackie ainsi que son goût pour la souffrance physique acquise dès son plus jeune âge à l'Opéra (avec ses copains Sammo Hung, Yuen Biao et d'autres) consolident le film plutôt qu'ils ne le desservent.
On obtient une, si ce n'est la plus grande kung fu comédie jamais réalisée. Même la comédie s'y trouve légitime et partie intégrante de l'ensemble, même pour un réticent du comique lourdingue HK. Même Anita Mui, qui joue la mère envahissante de Wong Fei Hong, rayonne et réussit à ne pas trop énerver alors qu'elle en fait des tonnes. Bon, c'est limite...
Les chorégraphies nombreuses sont toutes des références du genre qui s'appuient sur les idées les plus fortes des deux réalisateurs (lieu exigu, handicap, drunken kung fu, etc). Tous deux ont la même incroyable maîtrise de l'espace filmé et des interactions avec les décors et les objets. Exemple, le combat sous le train qui rappelle le combat dans la toiture des "18 armes légendaires du kung-fu". C'est presque étonnant que les deux ne se parlent plus encore aujourd'hui avec tant de points communs cinématographiques. Ils ne doivent pas avoir le même humour...
Le scénario ultra classique, combat du jeune élève rebelle contre les méchants pilleurs d'oeuvre d'art de la Chine, se déroule tel un tapis rouge. Le trio Jackie, Ti Lung, Liu Chia Liang est une merveille de mélange des générations.
Drunken Master II est au pinacle du genre. Il s'inspire du meilleur du passé et des traditions martiales et le mêle au meilleur des 90's, âge d'or de la rapidité et de la percussion, pour nous offrir une kung fu comédie unique, un exploit qui aura énormément de mal à être renouvelé.