Pour considérer Commando à sa juste valeur, il est nécessaire de se remémorer sa promotion dans les journaux télévisés, que Schwarzy écumait en clamant à qui voulait l'entendre qu'il ne faisait pas du cinéma politique, mais bien ce qu'il qualifiait de facéties. Il n'est pas étonnant qu'il glissa, au journal de 13h, que Commando était une parodie de ce qu'avait fait Stallone avec son très cher Rambo, parodie d'un personnage mythique (au point de prévoir même les travers dans lesquels Sly tombera la même année) qu'on ne peut prendre au sérieux en tant que film mature.


Le considérer comme un nanar ne trouve plus aucun sens quand on sait cela : comment reprocher à une comédie camouflée d'être comique? Son excès de tout instant, qu'on retrouve autant dans son action outrancière que dans le surjeu hilarant de ses antagonistes, trouve une nouvelle profondeur quand on commence à relever toutes les piques lancées au soldat au bandana rouge, de son mutisme de machine à tuer à la présence discrète mais essentielle de son colonel, ami de longue date.


Cette version citadine de Rambo n'en est pas moins crédible qu'elle défouraille à tout va, et le faisant avec une détente à toute épreuve, sème cadavres sur cadavres aux portes des magasins comme aux plus beaux jours des actioners des années 80 les plus bourrins. Car on tient avec Commando une référence incontestable du genre, autant brillante pour ses répliques cultes, ses punchlines généreusement exagérées que pour ses combats à rallonge, desquels le char autrichien se tirera toujours dans un état miraculeux.


Si l'on rit la plupart du temps, il sera dur de ne pas prendre au sérieux l'intrigue simpliste mais cohérente et bien menée par une mise en scène ultra-efficace : les enjeux développés par le réalisateur Mark L. Lester, ne croulant jamais sous un humour qui occupe pourtant une grande place à l'écran, tiennent le spectateur en haleine : il aura suffit d'un générique revisité de La petite maison dans la prairie version Bambi pour poser la relation idéale que partage Matrix avec sa fille un poil naïve, il n'empêche qu'elle atteste en deux minutes du drame qu'il vivrait s'il devait la perdre.


Quel meilleur motif que l'enlèvement de son enfant pour reproduire la guerre sur le territoire américain, et massacrer sans grande peine ce qu'on pourrait apparenter à l'armée cubaine? Le nettoyage ne laissant rien à rien, Schwarzy en profitera pour exterminer traîtres et pourritures, sadiques et dictateurs amateurs de cigare, et face à la bande de gros bras qui s'élèvera comme un seul homme face à lui, voilà qu'il n'hésitera pas à sortir les outils de jardinerie afin de ratisser les mauvaises herbes.


Conscient de sa grande bêtise, Commando va jusqu'à s'auto-parodier en ce moquant gentiment de ses super-soldats qui s'entretuent, se servant du personnage de l'hilarante Rae Dawn Chong pour pointer du doigt le machisme des combattants, et le surréalisme de certains comportements; à Schwarzy de peindre la fin de ce tableau humoristique surréaliste en y apposant des punchlines cinglantes qui seront devenues sa marque de fabrique, toutes, ou presque, balancées sans mentir.


Comprenons bien qu'entre Conan et Total Recall, et ce juste après le premier Terminator, l'acteur autrichien avait déjà suffisamment d'autodérision pour d'une part avouer ne pas faire de films à portée politique, les résumant à de simples divertissements sans autre prétention que celle de faire rêver son public (cela n'aura jamais été aussi vrai qu'avec le second Conan, Kalidor et la flopée de films d'exploitation type action qui suivront), et d'autre part se moquer admirablement de sa posture de machine de Terminator en la reprenant au moment de braquer une armurerie.


Lester aura également recours à ses personnages secondaires savoureux pour instaurer l'humour dans son film : Dan Hedaya en dictateur sadique aux yeux exorbités pour qui tous ses ennemis sont des fils de pute, le génial David Patrick Helly en Claude François tout petit et très mauvais dragueur qui pensait mourir en dernier, et la légende des légendes, le délirant Vernon Wells, alliage démoniaque de Freddie Mercury et d'une côté de maille proférant autant d'insultes imaginatives que Lambert Wilson dans Matrix Reloaded (la légende sous-entendrait même que Wilson n'aurait jamais eu le courage de menacer de buter quelqu'un en lui tirant entre ses deux couilles).


La fille de Schwarzy semblerait elle-même plus dangereuse et létale (sans rien faire d'autre que sourire en voyant son père dézinguer très, très violemment Bennett) que 82% des acteurs stars de films d'action actuels. N'évoquons pas plus l'autrichien que cela, lui qui se trouvait alors au sommet de sa carrière, mais dans un entre deux particulier : juste après avoir laissé le monde ébahi tour à tour en gentil avec Conan et en meurtrier inarrêtable avec Terminator, il s'apprêtait, après Commando, à inverser les rôles : il deviendrait la cible dans le magnifique Predator, et se verrait endosser le rôle du gentil dans le plus grand long-métrage de sa carrière, le mythique Terminator 2 : Le Jugement Dernier.


Rater Commando, date charnière de la carrière d'Arnold Schwarzenegger? Aucune chance.

FloBerne

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