J'ai de tout temps eu une petite faiblesse pour ce qui est rond, enroulé et spiralaire. L' escalier en colimaçon, en bois, son matériau par excellence, m'a toujours paru en être la quintessence. Tout autant me fascinent le verre, sa fabrication et ses usages. Le vitrail, qu'il soit profane ou sacré, ne pouvait donc que m'émouvoir. Aimer un art et son matériau nous donne un plaisir authentique même si nous ne le pratiquons pas et ne le côtoyons qu'indirectement.


Compagnons de François Favrat est un film qui m'a enchanté. D'abord parce qu'il est un film et que le cinéma retient invariablement toute mon attention, puis parce qu'il montre sans démontrer et qu'il le fait de manière lumineuse, positive et optimiste. Les Compagnons du Devoir et du tour de France sont des confréries dont une devise est Servir sans s'asservir ni se servir.


L'escalier en colimaçon en une maquette brièvement entrevue dans le film a demandé 600 heures de travail. Elle est l'oeuvre personnelle, « le chef d'oeuvre », qui complète le parcours de chaque aspirant pour être accepté comme Compagnon dans le métier et tout ce qui relève du travail du bois. Ces pièces de maître sont ensuite exposées à la vue de chacun pour symboliser éternellement l'éthique du travail bien fait et l'expérience acquise par le Compagnon, pour l'édification de ceux qui prendront la suite et continueront à porter haut le flambeau.


C'est le travail du verre et plus particulièrement la confection de vitraux dans un atelier dédié qui offre le cadre au film. Paul/Pio Marmaï en est l'âme. Naelle/Najaa Bensaïd est une jeune femme d'une banlieue nantaise qui pratique le street art dans un mouvement incessant entre ses carnets de dessins et les lieux les plus invraisemblables de sa cité. Pour elle comme pour ses amis, la vie n'est jamais simple entre la pression de la rue, la menace d'une arrestation et celle d'une mesure de placement. Cette vie quotidienne faite de contraintes et d'un horizon restreint auquel seuls quelques rêves permettent parfois d'échapper pèse de tout son poids. Hélène /Agnès Jaoui veut conjurer ce destin.


Il serait erroné de voir dans Compagnons un film qui une fois de plus nous parlerait de la misère, de la violence dans les banlieues urbaines. Tout aussi inexact serait d'y voir une solution miraculeuse ou rédemptrice de tous leurs maux par le travail même bien fait. Le film n'ignore pas les deux plaies qui rongent la jeunesse des cités, les trafics et leur corollaire, la violence. Il a su mettre en valeur la lumière, la chaleur des affections et des solidarités d'une jeunesse, à l'instar de celles qui existaient à une autre époque dans les villages ruraux. Et cela, avec beaucoup d'humour parfois.


Hélène accueille Naelle sur un chantier d'insertion qu'elle encadre et se prend d'affection pour elle. Elle joue ce rôle si singulier et si précieux de celle qui est au bon endroit, au bon moment et qui fait que ce qui semble définitivement écrit ne l'est plus. Hélène/ Bourguignonne l'intrépide, la Mère des aspirants au Compagnonnage et Paul/Bordelais coeur fidèle, Compagnon vitrailliste responsable d'atelier accompagneront Naelle dans sa vie et les adversités de sa vie ancienne comme dans ses apprentissages.


Naelle commencera sa pérégrination d'aspirante au Compagnonnage du Devoir à Anvers en Belgique dans un atelier qui travaille pour un architecte d'intérieur flamand. Elle sera peut-être demain Naelle/Nantaise Coeur vaillant ou encore Nantaise Fleur bougonnante.


Au fait, Naëlle est un prénom d'origine arabe qui veut dire « celle dont le travail est fructueux".

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le 6 mai 2022

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Freddy Klein

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