Après s'être attaqués au monde littéraire dans Citoyen d'honneur, les réalisateurs argentins Mariano Cohn et Gastón Duprat s'en prennent à celui du cinéma (d'auteur) avec Compétition officielle, une comédie perfide et spirituelle. Il n'y est pas question de montrer un tournage mais ce qui le précède, les répétitions et le frottement d'egos aussi exacerbés que ceux d'une cinéaste célébrée et extravagante et de ses deux acteurs principaux, l'un reconnu par ses pairs mais au succès confidentiel et l'autre adulé par le public et star planétaire. Le film tire une partie de sa saveur de ces oppositions attendues entre ces trois personnalités affirmées mais il n'est pas que cela. Compétition officielle joue plus suavement encore sur les situations, souvent absurdes, mais surtout humiliantes et cruelles, provoquées soit par l'inventivité maladive de sa réalisatrice, soit au fil de la rivalité entre deux acteurs autocentrés. Ne pas s'attendre à une réflexion profonde sur la création cinématographique, le film se veut une satire d'un microcosme qui ressemble finalement à n'importe quel milieu de travail, la notoriété et les soucis d'image des protagonistes en sus. Certaines scènes "d'installation" touchent presque au génie (le rocher) et rappellent The Square de Ruben Östlund. Il est fréquent que certains détails a priori anodins prennent une certaine importance par la suite, dont une conversation qui prépare la grande ellipse avant le dénouement. C'est peut-être excessif de l'énoncer ainsi mais cet appel à la compréhension et à l'intelligence du spectateur sont des clins d’œil qui rappellent ce que pouvait faire en son temps le génial Joseph Mankiewicz, dans Le limier, par exemple. Le trio d'acteurs de Compétition officielle est merveilleux : de Pénelope Cruz, éblouissante à l'argentin Oscar Martinez, en passant par un Antonio Banderas subtil, ils délivrent toute la palette de couleurs du jeu des grands interprètes. Au fond, à travers sa causticité et sa rosserie relative, le film n'est-il pas avant tout un hommage amusé à un art basé sur la fausseté et la mystification pour notre plus grand plaisir de voyeurs impénitents ?

Cinephile-doux
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Au fil(m) de 2022

Créée

le 8 mai 2022

Modifiée

le 8 mai 2022

Critique lue 1K fois

12 j'aime

1 commentaire

Cinéphile doux

Écrit par

Critique lue 1K fois

12
1

D'autres avis sur Compétition officielle

Compétition officielle
OrpheusJay
8

Présences en force

À ma droite, Ivan Torres. Profession : acteur. Professeur d’arts dramatiques et vedette de théâtre, reconnu par la critique, il évolue aussi loin que possible du faste hollywoodien qu’il méprise...

le 2 juin 2022

21 j'aime

4

Compétition officielle
Nvsk
7

Le film qui détestait le cinéma d'auteur autant qu'il l'aimait.

Malgré certains gags prévisibles (mais néanmoins très drôles), Compétition Officielle réussi à dresser un portrait aussi précis que large du cinéma de genre, de ses protagonistes et de leur monde...

Par

le 4 juin 2022

18 j'aime

Compétition officielle
Mr_Wilkes
7

Rififi sur la Croisette

Pour une fois que les Suisses sont les plus rapides : Compétition officielle est projeté en Helvétie avant sa sortie hexagonale... Incroyable non ? Mais alors, qu'est ce qu'on en retient ? Une...

le 16 mai 2022

16 j'aime

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 27 mai 2022

74 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

73 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

70 j'aime

13