Qui est le film ?
Sorti en 2013, The Conjuring s’impose dans la filmographie de James Wan comme un retour au film de maison hantée classique. Nous sommes dans les années 70, en pleine Amérique rurale, à une époque où la foi catholique et les protocoles paranormaux coexistent encore dans les imaginaires. En surface, l’histoire est simple : une famille s’installe dans une ferme isolée et découvre que la maison abrite une présence malveillante.

Que cherche-t-il à dire ?
The Conjuring n’est pas seulement un film qui fait peur. C’est une enquête sur la manière dont les espaces domestiques gardent des mémoires, sur la confiance accordée au statut social et spirituel. James Wan, à travers une mécanique de suspense, reconduit des motifs classiques du cinéma horrifique tout en les situant dans un présent familier.

Par quels moyens ?
La ferme des Perron est d’abord un lieu chargé. Wan filme la maison comme une stratigraphie, couches d’événements et de présences. Les pièces, les portes, les odeurs et même les objets servent de ponctuations mémorielles. La caméra circule, inspecte, recense. Elle n’objective pas seulement l’espace, elle l’écoute. À mesure que le film avance, la maison libère des indices, petits signaux qui disent l’enracinement du mal. L’horreur n’est pas un élément étranger qui attaque la maison, elle est ce que la maison garde et restitue au monde quand on la dérange.

Ed et Lorraine Warren ne viennent pas “chasser des fantômes”, ils viennent donner forme à un récit que personne ne sait raconter. Ils tiennent la position d’experts qui combinent savoir empirique, ritualité et compassion. Wan filme leur méthode comme mise en scène d’une rationalité qui accueille l’irréductible. Ils travaillent à rendre audible un récit fragmenté, à donner forme à ce que la famille ne peut dire.

La prière n’est pas symbole, elle est mise en scène. Tout le cinéma de Wan est construction de rituel : lumière focalisée, temps étiré, silence tendu. On croit parce que la mise en scène nous y conditionne physiquement.

Wan excelle à rendre la peur par la suggestion. Plutôt que d’exhiber, il implique. Les effets se logent dans le hors champ, dans un son mis en avant, dans un objet qui bouge seul. Cette économie crée une proximité physique: la menace n’est pas conceptuelle, elle tourne autour du corps. Les attaques s’inscrivent dans la vie la plus quotidienne, elles s’en prennent au sommeil, au repos, au soin des enfants. Le réalisme de ces intrusions rend la violence plus bouleversante.

Wan évite l’explication psychologisante facile. Le démon dans The Conjuring n’est pas strictement métaphore d’un traumatisme. Il a une historicité propre. En cela le film reprend une idée classique: le mal peut devenir forme culturelle, il a des récits et des intentions. Wan donne au démon une stratégie, une patience, une histoire qui relie lieux et personnes. Cette objectivation du mal permet au film d’éviter la complaisance métaphorique.

Où me situer ?
J'aime profondément dans The Conjuring sa fidélité à l’intelligence du spectateur. Wan refuse le gore, refuse la métaphore facile, refuse la surenchère. Il construit un film de croyance et d'atmosphère, pas un film de panique. Ce que je questionne en revanche, c’est la limite d’un dispositif qui reconduit sans ambiguïté la logique catholique du salut sans jamais la troubler. Le film pense l’épreuve, mais rarement la structure de pouvoir qui la valide.

Quelle lecture en tirer ?
James Wan construit un cinéma populaire qui n’aliène pas la pensée. Le film ravive le gothique domestique en le situant dans une dramaturgie contemporaine de l’enquête et de la compassion.

cadreum
8
Écrit par

Créée

hier

Critique lue 1 fois

cadreum

Écrit par

Critique lue 1 fois

D'autres avis sur Conjuring - Les Dossiers Warren

Conjuring - Les Dossiers Warren
SanFelice
7

Infestation Oppression Possession

Ce film réunit les poncifs du genre. Pour ceux qui ont suivi d'assez près le cinéma d'horreur des dernières années, il semble n'y avoir aucune surprise. On essaie d'abord de nous vendre ça pour une...

le 30 oct. 2013

72 j'aime

10

Conjuring - Les Dossiers Warren
Gand-Alf
7

Ghostbusters.

Ce qui est intéressant dans le cinéma de James Wan, quelque soit le genre qu'il aborde, c'est que le bonhomme à beau nous balancer tous les clichés possibles et imaginables à travers la gueule, ça...

le 8 juin 2014

60 j'aime

Conjuring - Les Dossiers Warren
Softon
6

Les Warren : Acte III

Grâce à leur statut authentique, validé lui-même par le Vatican, et la réputation des affaires qu'ils ont traité, Ed et Lorraine Warren, et plus particulièrement leurs cas sont devenus une source...

le 13 août 2013

45 j'aime

2

Du même critique

Queer
cadreum
8

L'obsession et le désir en exil

Luca Guadagnino s’empare de Queer avec la ferveur d’un archéologue fou, creusant dans la prose de Burroughs pour en extraire la matière brute de son roman. Il flotte sur Queer un air de mélancolie...

le 14 févr. 2025

32 j'aime

1

Maria
cadreum
9

Maria dans les interstices de Callas

Après Jackie et Spencer, Pablo Larrain clôt sa trilogie biographique féminine en explorant l'énigme, Maria Callas.Loin des carcans du biopic académique, Larraín s’affranchit des codes et de la...

le 17 déc. 2024

30 j'aime

4

Tu ne mentiras point
cadreum
7

Traumas des victimes murmurées

Sous la main de Tim Mielants, le silence s'immisce dans chaque plan, une ombre qui plane sur l’âme lugubre de son œuvre. La bande sonore, pesante, s’entrelace à une mise en scène austère, plongeant...

le 20 nov. 2024

30 j'aime

1