Deuxième volet de la trilogie de la jeunesse qui s’achèvera durant l’année 1960 avec L’Enterrement du soleil.
À la fin du premier film de la trilogie, Une Ville d’amour et d’espoir, on terminait avec la vision du jeune Masao se contentant d’une vie pauvre et laborieuse, tandis que Kyoko, jeune bourgeoise qui ne connaîtra certes jamais de soucis d’argent, perdait sa joyeuse insouciance au profit d’une colère impuissante face à une terrible désillusion humaine. Ces personnages fauchés par un certain establishment, on les retrouve d’une certaine manière à travers les deux personnages des Contes cruels de la jeunesse, Kiyoshi d’un côté, loubard désoeuvré qui évoquerait un Masao qui, de guerre lasse, aurait mal tourné, Makoto de l’autre, jeune fille d’assez bonne famille qui explore certains quartiers interlopes pour gentiment s’encanailler, mais qui va surtout se faire violer par Kiyoshi, tomber malgré tout amoureuse et refuser de retourner dans son univers confortable incarné par sa sœur Yuki. D’ailleurs celle-ci n’est pas à envier puisque l’existence s’avère aussi sans espoir.
C’est dire si le titre du film est parfaitement illustré par les différents personnages. Lors d’une scène, on voit d’autres jeunes, des étudiants gauchistes manifestant contre le pacte de sécurité nippo-américaine. Mais ils sont bien mignons à manifester en faisant des rondes d’un trot mécanique. À peine montrés et évoqués par Kiyoshi (qui dit à Makoto qu’il connaît vaguement l’un des manifestants qu’il vient d’apercevoir), ils ne présentent pas d’alternatives sérieuses à la jeunesse désœuvrée incarnée par les deux personnages principaux (et quand on connaît Il est mort après la guerre qui sortira en 1970, il y a fort à parier que si Oshima avait entrepris de leur consacrer davantage de scènes, le ton aurait probablement été critique).
Crapuleries de petites gouapes, amour désorienté, avenir bouché, personnages déréglés et pas vraiment sympathiques : il y a de quoi trouver le temps long pour le spectateur, mais d’un autre côté cette étude de caractères, par rapport à Une Ville d’amour et d’espoir, marque une étape supplémentaire dans l’envie d’Oshima de se détacher des program pictures et de se rapprocher de l’À bout de souffle de Godard. Ce qui fait que visuellement, la plongée dans cette jeunesse dérangée (au sens psychologique comme dans celui de « qui est hors du rang ») est aussi acidulée que fascinante.