C'est au visionnage d'un tel film qu'il est possible de comprendre pourquoi certains westerns contemporains peuvent laisser indifférents et davantage encore les amateurs de westerns que les autres. Car si l'on considère des productions récentes au pitch assez proche de Convoi de femmes - qui raconte l'expédition à travers des étendues désertiques et sauvages d'un groupe a priori fragile - (La Dernière piste par exemple), on constate d'une part des problèmes de rythme et d'autres part des personnages secondaires manquant cruellement de charisme (avec pour conséquence que certains meurent dans la plus grande indifférence du spectateur qui n'a pas eu les éléments nécessaires pour s'y attacher un tant soit peu).
Or les rebondissements en tous genres et la mise en valeur des personnalités (et pas seulement le héros), sont précisément les ingrédients qui font le charme des vieux westerns et a fortiori de ce magnifique Convoi de femmes.
L'histoire s'inscrit dans cette linéarité propre au film de caravanes. Ruée vers l'ouest oblige, la route semble tracée, la trajectoire immuable...mais on peut toujours compter sur mille-et-une avanies pour tordre le cours des choses et épargner au spectateur l'ennui d'une succession de beaux paysages. Et nous en avons pour notre compte : indiens, animaux dangereux, inondations...menaces humaines et vicissitudes du monde sauvage se conjuguent pour rendre le voyage presque aussi compliqué qu'un Massy-Montparnasse un lundi de Pâques un jour de grève ! On ne s'ennuie pas une seconde et c'est déjà pas mal !
Mais le film ne se résume pas non plus à une suite artificielle de péripéties collées les unes à la suite des autres. Il met en scène toute une galerie de personnages d'autant plus attachants qu'ils sont plutôt inhabituels dans ce genre de film : des femmes ! Car les femmes, plus d'une centaine ici, - des veuves, des prostituées... -, bien qu'inexpérimentées en matière de survie en plein désert, sont bien les héroïnes du film. Plus courageuses que leurs homologues masculins - qui se carapatent dès qu'ils peuvent - plus lucides également, elles incarnent de manière kaléidoscopique toute une gamme de personnalités qui permet au film non seulement de s'asseoir sur des personnages secondaires qui éclipsent littéralement le héros (pourtant très bien représenté par un Robert Taylor dont le machisme va aller s'amenuisant au fil de l'histoire) mais surtout de proposer des scènes où les émotions sont au rendez-vous : humour, tristesse, empathie... Oui, on s'attache à ces personnages, à ces personnalités comme cette sacrée Patience interprétée par l'inénarrable Hope Emerson, variante féminine du Walter Brennan de John Ford, distribuant à qui veut torgnoles ou mots d'oiseaux.
Oui, l'humain est au cœur de ce cinéma dit d"aventures". Les personnages y sont aussi les archétypes de cette Amérique en construction : ces femmes donc, mais également les étrangers auxquels le réalisateur, une fois n'est pas coutume, accorde une place non négligeable avec ce personnage secondaire du Japonais ou la femme italienne au destin tragique. Les relations entre les personnages sont également atypiques. Pas de méchant à l'horizon, pas d'indiens suicidaires ou sanguinaires (leurs attaques sont nocturnes et mesurées, ils tiennent aussi à la vie ce dont on peut douter dans certains films), ni même de traitre qu'on n'aurait pas vu venir. Il y a des lâches, mais ils sont vite sortis de l'histoire et pour le reste, il s'agit surtout d'une histoire de courage et de solidarité.
Et surtout de respect. De ce respect entre hommes et femmes, non dénués de désirs et de séduction, dont notre époque semble avoir perdu le secret. La dernière scène du film, pleine d'humour et d'autodérision, peut se lire comme une leçon de cinéma mais aussi comme une leçon de vie à l'adresse des "modernes" que nous sommes.
Un film par ailleurs remarquablement mis en scène qui ne fait jamais dans la facilité ou le sentimentalisme.
Tout simplement un superbe western comme on n'en fait plus.


Personnages/interprétation : 9/10
Scénario/histoire : 8/10
Mise scène/réalisation : 9/10


9/10
<3

Theloma
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Un western sinon rien, Films : mon top 100, Duel de femmes, Les meilleurs westerns et Lost in translation ?

Créée

le 2 avr. 2018

Critique lue 379 fois

16 j'aime

22 commentaires

Theloma

Écrit par

Critique lue 379 fois

16
22

D'autres avis sur Convoi de femmes

Convoi de femmes
guyness
7

Comme un chien dans un jeu de filles

L’introduction du film n’est pas sans rappeler le sujet –en partie inspiré d’une histoire vraie- du roman de Jim Fergus "1000 femmes blanches". Sauf qu’ici (outre que le film soit bien antérieur au...

le 30 juin 2013

43 j'aime

5

Convoi de femmes
Melly
9

Wellman and women

Depuis le temps que je voulais le voir celui-ci, je peux vous dire que j’étais contente de tomber dessus. Pour tout avouer, j’avais hâte de voir un western composé de femmes à 90%, sachant que le...

le 22 oct. 2015

24 j'aime

16

Convoi de femmes
abscondita
8

« California ! A great country for marrying »

Voilà un western que j’ai abordé avec beaucoup de crainte, redoutant de passer 2h en compagnie de 150 nunuches ! Le topo pouvait faire peur… Mais heureusement, ce n’est pas du tout le cas ...

le 11 juil. 2022

20 j'aime

24

Du même critique

Us
Theloma
7

L'invasion des profanateurs de villégiature

Avec Us et après Get Out, Jordan Peele tire sa deuxième cartouche estampillée "film d'horreur". Sans vraiment réussir à faire mouche il livre un film esthétiquement réussi, intéressant sur le fond...

le 21 mars 2019

107 j'aime

33

Ad Astra
Theloma
5

La gravité et la pesanteur

La quête du père qui s’est fait la malle est un thème classique de la littérature ou du cinéma. Clifford (Tommy Lee Jones) le père de Roy Mac Bride (Brad Pitt) n’a quant à lui pas lésiné sur la...

le 18 sept. 2019

97 j'aime

55

Life - Origine inconnue
Theloma
7

Martien go home

Les films de série B présentent bien souvent le défaut de n'être que de pâles copies de prestigieux ainés - Alien en l’occurrence - sans réussir à sortir du canevas original et à en réinventer...

le 21 avr. 2017

81 j'aime

17