L'Amérique, cette terre promise, cette terre de tous les possibles pour les Pilgrim Fathers, les migrants de tous horizons, venus y concrétiser leurs rêves de toujours. Le rêve américain devient un mythe savamment entretenu encore aujourd'hui. Le cinéma n'est sans doute pas étranger à la chose, d'autant plus qu'on ne compte plus les westerns consacrés à la conquête de l'Ouest. Des films qui se ressemblent tous un peu, glorifiant l'image du pionnier et mettant en exergue ses valeurs, son sens de l'effort, son abnégation, son esprit de liberté...

C'est bien gentil mais tout cela devient vite redondant. Et puis surtout, le rêve américain perd peu à peu de son sens. Heureusement, il y a un p'tit gars qui s'est attardé sur la question et veut montrer dans son western ceux que l'on oublie habituellement, et qui font pourtant le rêve américain. Le bonhomme en question, c'est Frank Capra et question rêve, il s'y connaît ! Il voudrait casser l'image iconique du pionnier pour faire un western "réaliste", mettant au premier plan la femme et montrer comment un groupe hétérogène peut se transformer en véritable communauté. Comme Franky ne peut faire le film, c'est son pote Wellman qui s'y colle. Ce dernier s'y connaît en western atypique, il en a déjà fait un qui est pro Indien et un autre où il dénonce la justice sauvage, alors un western avec des bonnes femmes, ça ne lui fait pas peur.

L'Ouest, la Californie, une région rude et sauvage à l'image de ces hommes qui travaillent dans le ranch du père Whitman. Un milieu d'hommes, de cow-boys crasseux aux allures rustres et viriles. Seulement, les journées passées auprès du bétail sous un soleil de plomb sont harassantes pour ces hommes. Pour pouvoir pérenniser sa "petite entreprise", Whitman ne voit qu'une solution : trouver de la femme pour ses hommes. Bon, il ne s'agit pas de se transformer en John McCabe et d'ouvrir une maison de passe ! Mais plutôt de trouver des épouses à ces gaillards afin qu'ils fondent une belle famille, le futur de la nation. Alors, il embarque son contremaître Buck avec lui et direction Chicago pour recruter quelques donzelles.

Juste après Ford et son Convoi des Braves, Wellman reprend pratiquement la même histoire en jouant sur les codes et les stéréotypes du genre. Le début, dont la mise en place est certes un peu longue, lui permet d'instaurer un univers volontairement très machiste, comme on voit beaucoup dans le western. Buck, qui doit conduire le convoi, est l'archétype du cow-boy dans toute sa "mâlitude" (je ne sais pas si le terme existe mais après tout...) ; il a l'habitude de vivre à la dure auprès du bétail et d'être autoritaire auprès de ses hommes. Sa manière de recruter les futures épouses est finalement semblable à celle qu'il opère lorsqu'il doit choisir ses bêtes, la sélection se fait en fonction du pedigree ! Quant aux femmes, elles sont vues comme étant superficielles et tricotant pour passer le temps. Bien sûr ce début est trompeur, Wellman joue avec beaucoup d'ironie sur les clichés afin de mieux les faire tomber par la suite.

La suite, justement, c'est ce périple dont on devine rapidement les grandes lignes : le voyage va prendre les allures d'une redoutable odyssée et les épreuves traversées vont gommer les clivages, faisant naître ainsi une véritable communauté. Wellman s'appliquant, à la manière d'un documentaliste, à donner à son histoire la dimension la plus réaliste possible. Ainsi, ses femmes ne se contentent pas d'être des mères ou des putains, elles viennent de milieux et d'horizons différents, on y croise aussi bien une veuve voulant repartir de zéro qu'une émigrée désirant s'intégrer. Et à travers ce convoi, Wellman pose symboliquement le visage de l'Amérique de la seconde chance, de la nouvelle vie et du melting-pot.

Le cinéaste délaisse le lyrisme des grandes fresques classiques, il ne s'embarrasse ni de musique glorifiante ou de plans spectaculaires, il va s'attarder sur le quotidien de ces femmes qui vont apprendre à se servir d'une arme, conduire un attelage ou réparer une roue... Il va surtout filmer l'esprit de communauté qui va se créer pour faire face aux différentes épreuves (pluie, tempêtes de sable, attaque d'Indiens, etc.) et subir sans broncher la loi du tyrannique Buck. L'optimisme et la légèreté du début se transforment en quelque chose de plus pesant, de plus rude, comme pour mieux témoigner de l'effort consenti par ces pionniers.

Je n'y peux rien, je ne suis pas fan de Robert Taylor, je le trouve une nouvelle fois manquant de charisme et de prestance. Heureusement, il y a McIntire, et d'excellents seconds rôles comme Denise Darcel ou Renata Vanni. Le film n'est pas dénué de longueurs (c'est histoire de chipoter), mais c'est surtout dommageable que Wellman en fasse autant sur les malheurs qui s'abattent sur le groupe (notamment avec la mort du gamin, un peu facile, un peu too much!). Pour le reste, Westward the Women fait partie de ces œuvres rares qui font tout le sel du cinéma : il nous propose une vision non romanesque du rêve Américain tout en faisant l'éloge de la femme, de toutes les femmes, dans toute leur simplicité et leur authenticité.

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le 13 août 2023

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Procol Harum

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