Ce film m’a tellement touchée que je suis allée le voir deux fois, à trois jours d’intervalle !
Film hongrois de 2017
Maria commence à travailler comme contrôleuse qualité dans l’abattoir que dirige Endre. Il est handicapé du bras gauche, solitaire et ne croit plus à l’amour. Elle souffre visiblement d’une forme d’autisme : sa mémoire phénoménale et ses difficultés sociales la désignent comme une personne Asperger. Ses collègues de travail trouvent Maria glaçante. Mais Maria et Endre sont attirés l’un par l’autre , d’autant plus qu’une enquête menée par une psychologue dans l’entreprise leur révèle qu’ils font toutes les nuits le même rêve : sous la forme d’un cerf et d’une biche, ils parcourent une forêt sous la neige…
Voilà un film qui captive avec peu de moyens : pas de têtes d’affiche, des acteurs qui ont un jeu tout en sobriété, une musique qui n’intervient pas systématiquement, des décors assez réduits, un humour discret mais bien présent
Son charme réside dans l’opposition entre le monde cru de l’abattoir, où les bêtes sont tuées, le sang coule et les relations entre collègues sont froides, et le monde poétique du rêve, de la liberté, avec des cerfs courant librement dans la forêt et leurs liens affectueux. Deux univers qui rejoignent le titre : le corps est contraint, piégé (comme celui des vaches immobilisées par un dispositif avant leur mise à mort) : l’homme traine son bras gauche, la jeune fille est raide souvent. Mais l’âme dans les rêves peut rejoindre son âme sœur et s’évader dans un monde hors du temps, dans la pureté de la neige, dans un monde à sa mesure…
Que de subtilité dans les scènes d’amour : en nous montrant pour la première fois cette jeune fille lumineuse qui prend garde à bien rester dans l’ombre, le personnage est présenté. Avec ce simple geste: Maria attrapant le bras d’Endre pour qu’il soit à l’aise avant de s’endormir, on comprend l’ouverture à l’autre et son acceptation entière, handicap compris. Pas besoin de mots pour comprendre le ressenti des personnages. Leurs non-dits créent une tension qui se résout dans les cinq dernières minutes.
L’actrice est très belle, il y a une certaine pureté en elle dans sa blondeur, ses vêtements, son regard. Ce dernier évolue d’ailleurs tout en subtilité au fil du film.

Mais on ne saurait réduire ce film à une histoire d’amour romantique. Que nous dit en substance « corps et âme » ? Ce film nous parle de la difficulté d’aller vers l’autre, surtout quand il ne fonctionne pas comme nous ; la difficulté de communiquer ; la difficulté de se croire encore digne d’amour quand on est atypique ; alors que toutes les méthodes de développement personnel nous disent et redisent que pour trouver l’amour, il faut être très sûr de soi et cultiver une belle image et choisir l’autre en fonction de critères, loin de toute magie.
La personne Asperger inspire en ce moment plusieurs personnages de films ou de séries : on avait depuis longtemps Sheldon dans « the big bang theory », dont les réactions décalées font rire, l’enquêtrice dans « the bridge » et le lycéen en quête d’indépendance et d’une petite amie dans « Atypical ». A cette époque où chacun est très attentif à cultiver son image et à rentrer dans les normes, ce type de personnalité peut au contraire représenter la spontanéité, la différence, la sincérité. Les personnes asperger ne savent pas mentir, c’est pourquoi elles apparaissent souvent brutales ou irrespectueuses dans leurs réactions.

Sandrine_13
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le 6 nov. 2017

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