Clovis Cornillac a pris avec ce film le pari inverse de son precedesseur, Albert Dupontel, dans au Revoir là-Haut. L’œuvre est plus sobre, plus sérieuse, moins fantasque et plus intimiste.
L’intrigue, il faut le dire, est resserrée autour d’un double drame familial en ouverture, superbement filmé, avec un vaste plan séquence qui termine dans l’horreur la plus totale. Le ton lugubre du récit est donné. Sa noirceur et sa cruauté aussi.
Comme dans le roman - le film lui étant très fidèle (et pour cause Pierre Lemaitre est au dialogue et a l’adaptation) -, les personnages féminins font face à l’adversité des hommes. Tous les personnages sont remarquablement campés. Poelvoorde campe un banquier crapuleux et retors, Gourmet, à contre emploi et cabotin, un député obsédé par l’argent et loufoque. Mais la palme revient bien sûr à Madeleine, interprétée par Léa Drucker, tout en finesse, mère d’abord naïve qui se rebiffe et se venge. On trouve aussi Alice Isaaz dans le rôle de Léonce - parfait pour elle - et bien entendu Fanny Ardent en cantatrice crépusculaire et mystérieuse.
Quelques scènes sont fortes : l’ouverture, la scène finale d’opéra, les différentes arrestations des hommes responsables de tout le malheur des Pericourt. L’ensemble est limpide alors qu’il y a beaucoup de personnages et d’intrigues.
L’ensemble demeure en deçà du livre en ce qu’il est plus lisse et moins pince sans rires et ironique. Il cherche à prendre de l’ampleur dans sa dramaturgie et son réalisme. Il passe aussi sous silence quelques thématiques (notamment le journalisme) et simplifie des personnages (comme celui de Charles, pas si potache que montré).
Comme le livre, le film ne manque cependant pas son message, et l’incarne. Il se veut anticapitaliste, féministe et plein d’espoir pour ceux qui se battent pour l’injustice, à l’image du personnage de Clovis Cornillac, simple chauffeur de puissants millionnaires, il fait ouvrir les yeux aux personnages sur la réalité brutale et politique du monde, non pas pour dénoncer le passé - la crise des années 30, le fascisme - mais bien notre époque. Une œuvre où les femmes apprennent à s’émanciper du patriarcat et à retrouver une dignité volée. L’école de la vie, l’école des femmes.