Coup de chance
4.8
Coup de chance

Film de Woody Allen (2023)

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Fausse alerte, Coup de chance est un (très) bon film !

Woody Allen nous revient avec un cinquantième film! Que d’engouement autour de son nouveau long-métrage qui vient assoir définitivement Allen comme un des réalisateurs les plus prolifiques et inventifs de ces soixante dernières années! Du moins c’est ce que les spectateurs diraient si une affaire ne venait pas entacher sa carrière.

Peut-être est-ce ce également ce que les spectateurs diraient si ils se penchaient un peu plus sur ladite affaire. Car si il est sûrement plus facile de se laisser porter par le puritanisme ambiant qui laisse croire que c'est mérité car comme on dit, "il n’y jamais de fumée sans feux", il est plus compliqué de s’intéresser à la complexité de l’affaire qui, a en croire différents sons de cloche (notamment via son fils adoptif Moses Farrow, ou encore via une figure de proue du mouvement Me too tel que Scarlett Johansson qui « believe Woody ») laissent supposer qu’il est tout à fait possible (voire même que c’est une certitude) que le réalisateur n’ait rien à se reprocher de juridiquement condamnable.

Ceci dit, il est intéressant de constater que malgré la détestation que Woody semble engendrer, que ça soit à cause de l’affaire avec Mia Farrow ou tout simplement à cause de sa productivité d’un film par an qui ne semble pas, ou à peine faiblir (et qui semble lasser les spectateurs), les gens vont voir ses films. Non pas pour pour les apprécier mais pour s’en plaindre!

Peut-être pour se rassurer d’être dans le camp du bien, celui qui s’offusque de voir un vieil homme blanc (boomer dirait-on) parvenir à faire des films, alors que ce dernier serait attiré par des femmes à peine majeures, lui qui est d’ailleurs marié avec une mineure depuis 1992 (certains disent qu’elle est encore mineure aujourd’hui).

Certains y vont ensuite de leur petite analyse filmique, afin de réussir à prouver qu’il est un vieil homme décadent et déconnecté de la réalité:

Exemple: « Regardez dans Manhattan, il sort avec une fille de 17 ans! », oui c’est d’ailleurs tout le sujet du film, présenté comme une problématique.

Autre exemple: « Ces personnages sont issus de la bourgeoisie! » En effet, le mec est blindé aux as et ces films présentent souvent des personnages issus de son milieu. Enfin ceci dit, des personnages pauvres dans ces films, il y en a eu cependant, dans le magnifique La rose pourpre du Caire (où le cinéma est comme un échappatoire à la vie réelle pour notre héroïne) ou encore le récent et sublime Wonder wheel…

Mais assez parlé de tout l’aspect extra-filmique et supposons que les mauvaises notes que se tapent le film ne sont dû qu’au film et au film seulement.

Le cinquantième film de Woody Allen se déroule à Paris, les personnages parlent Français.

On y voit une jeune femme (Lou de Laage, renversante de beauté) de 25, 30 ans environ qui croise un ancienne camarade du lycée (Niels Schneider). Ce dernier lui avoue qu’il était très amoureux d’elle. Ainsi va commencer une relation extra conjugale. En effet, la jeune fille est marié à un mec friqué qui semble baigner dans des affaires un peu troubles (Melvil Poupaud, fantastique).

Le point de départ ressemble à s’y méprendre à un film d’Allen tout ce qui a de plus classique.

« On en a marre de le voir toujours réaliser le même film! ». Premièrement dans ce cas-là, ne va pas le voir, et deuxièmement, n’est-ce pas là le propre d’un cinéaste? De réaliser continuellement le même film?

Rohmer n’a parlé que de romance tout au long de sa carrière. Jean-Pierre Melville nous parle de la pègre et la noirceur de l’âme humaine. Tandis que Visconti nous parle de l’aristocratie coincé dans des codes. Etc…

De plus, si on laisse les thématiques de coté, Woody s’est toujours intéressé à la forme. La photographie de Manhattan est légendaire. Zelig nous propose un faux documentaire techniquement époustouflant. Ombres et brouillards est un bel hommage au cinéma expressionniste allemand. Maris et femmes s’empare des codes du cinéma de John Cassavettes pour faire un film dynamique. Etc…

En s’entourant des meilleurs chefs opérateurs, Woody Allen fait des propositions de cinéma alléchantes.

Ici il retrouve Vittorio Stotaro qui avait oeuvré sur Wonder Wheel. Le réalisateur a souhaité une lumière anti-naturelle, très coloré, qui donne à la fois un caractère théâtral à l’ensemble (d’où l’aspect vaudeville que certains tentent de lui reprocher) mais aussi qui rend hommage à l’oeuvre de Resnais. En effet, son cinéma avait cette particularité de savoir jouer avec la lumière, pour mettre ainsi les personnages en relief et faire ressortir des émotions cachées, enfouies sous les mots (il faut voir Mélo ou encore Les herbes folles). Il y a notamment une scène où le personnage de Poupaud pense à haute voix et où la lumière change subitement…

Mais c’est bien sûr dans l’écriture que Woody Allen excelle et il s’agit ici d’un très bon cru. Pas de temps morts, on ne s’ennuie pas une seconde, et ça grâce notamment à l’intrigue qui ne cesse de se renouveler et de nous tenir en haleine (haha), mais également grâce aux dialogues. On parle de tout et de rien, mais derrière cette fausse légèreté se cachent toujours de terribles névroses. L’apparat versus la réalité. C’est d’ailleurs en ça que le cadre bourgeois de ce film est finalement plus une prison doré qu’un idéal de bonheur. Finalement, cette classe sociale en prend pour son grade.

Pour conclure sur l’écriture, il y a également une réflexion philosophique sur la chance, qui une fois encore parvient à nous bouleverser (mais il ne faudrait pas trop en dire pour ne pas spoiler), et qui est mis en exergue tout le long du film, notamment avec le billet de loto ou le fait que l’existence tient à peu de choses.

Quant à la langue française, elle n’est pas déplaisante. Les influences d’Allen étant en grande partie européenne, son language colle avec notre langue. On note ici et là quelques traductions un peu trop littérales mais rien de grave. Quoi qu’il arrive les acteurs incarnent le texte avec une belle rigueur.

Pour conclure, ce n’est pas le meilleur film de l’année, mais ce n’est pas non plus un film moyen, c’est un Woody Allen plus que correct, qui propose de nouvelles idées, tout en étant en terrain connu, n’en déplaise aux mauvaises langues.

FelixMarret
8
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le 24 oct. 2023

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Felix Marret

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