J’suis un gamin des années 80 mon bonhomme, de ceux qui préféraient l’aventure des vidéo clubs à l’odeur des gymnases. Et ça devrait suffire à expliquer pourquoi ce nom peut tout sauf me laisser indifférent. Creed, c’est un mot qui résonne comme un son de cloche avant l’arène, une symphonie de coups et de râles fumants sous des projecteurs laiteux et glacés. Pour toute une génération, c’est une icône de la boxe, un Lord of the Ring tout sauf fictif, aussi “creedible” que mythique, à ranger aux côtés d’Ali, Frasier ou Foreman.


J’ai pris connaissance de ce projet complètement par hasard, en croisant une affiche exhibant un boxeur sculptural et les cinq lettres d’un patronyme familier placardées au milieu. Ça a suffit à faire de la chose ma seule véritable attente au milieu de cette mode des légendes ressuscitées - concert de hard rock dans le désert ou parc à reptiles - qui s’étale depuis deux ans sur les écrans.
L’idée d’un Rocky de plus ne m’aurait pas forcément enthousiasmé, le dernier proposant un point final somme toute assez sympathique, brillant de toute la belle sincérité dévouée dont sait faire preuve Sly pour son public et trouvant le moyen d’une suite valable, un vrai Rocky à l'abri des affres de l’inutilité. Mais celui-ci, c’est un Creed, un chemin aussi inattendu qu’évident. Le retour de l’Astre du désastre mon p’tit pote, moi je jubilais déjà. Peu importe qu’on ne puisse logiquement pas avoir Carl Weathers à l’écran, toute l’aura du “Comte de Monté-K.O.” (merci la VF de Rocky 4) embaumait déjà. Par contre fallait pas se foirer sur le casting.


Et le casting passe bien. Le jeune Creed se présente directement en renâclant dans l’obscurité comme le taureau enragé avant la corrida. Le type donne l’impression d’un éclat de silex tout juste éjecté du bloc, encore rougi et brûlant. Nerveux, puissant et asservi à son personnage, en duel contre l’ombre de son père comme un Peter Pan épuisé sur les traces de son alter ego de ténèbres, ce Jordan fait un boulot dantesque qui, sans égaler une seule seconde la grâce féline du vieux Creed, a le mérite de forger un rookie hargneux et parfaitement plausible. De l’autre côté du ring, y a Sly, qui n’est plus là pour soulever des ceintures en beuglant, se contentant ici d’offrir un jeu époustouflant qui fera fermer leurs gueules à tous les Razzie Awards qu’il a l’habitude de collectionner. Ça doit être quelque chose de raccrocher enfin pour un temps les rôles iconiques de toute une vie et d’accepter de jouer un vieux. Un vrai vieux, pas un débri caricatural de rôles lointains. Un croulant tout en faiblesses et en sincérité qui frappe avec sa seule présence.


Du reste, la réalisation s’en tire, même si elle peine parfois à trouver son ton, entre un traitement quasi-sérieux du monde sportif et l’épique-naïf cher à tous ceux qui entrent dans une salle pour y trouver Rocky et Apollo. Les combats sont violents sans être éclatants, les plans séquences, chers au royaume du film de boxe, s’avérant parfois trop travaillés pour être honnêtes. Trop artificiels, trop sophistiqués, trop ce petit quelque chose qui fait qu’on finit par regarder plus une technique cinématographique qu’un échange de gnons. Faudrait voir lequel est au service de l’autre dis donc. Et ces excès enlisent l’action et culminent parfois à des séquences graphiques rappelant le jeu vidéo, dans ces moments où tu oublies un peu Rocky pour te plonger dans Super Punch-Out… Et faut ajouter à tout ça certaines scènes sans grand intérêt, une romance qui peine à trouver son intérêt et des personnages (excellents, je l’ai déjà dit) qui finissent par se perdre un peu dans la globalité. Mais rien de tout ça ne peut mettre KO un film qui sait puiser dans son héritage pour ramener à l’écran l’âme d’une saga qui fit jadis frissonner bien des marmots. De la naïveté à revendre, des salles d’entraînement crasseuses, des reprises musicales des thèmes de Bill Conti, le short étoilé, la fougue aigre d’un fils dans l’ombre de son colosse de père, un Sly pillé de toute attache, un nom de légende qui suffit à te faire bouillir la sève et un final avec l’hymne du Noble Art.


P.S. : Chers producteurs, il est très probable que vous cherchiez à faire une suite, mais il est moins probable que vous renouveliez l’exploit, alors quitte à rater un truc pour de l’argent, faites un pur produit d’exploitation sans subtilité et appelez le DRAGO, je réserve ma place.

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le 8 févr. 2016

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zombiraptor

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