De l'intérêt d'écrire un petit pensum sur films ou livres ... Ça oblige à se poser quelques questions et à approfondir ce qu'on (je) ne ferait (s) jamais après avoir simplement vu un film ou lu un livre …
Par exemple, Wikipédia me fait découvrir l'existence d'un certain Savinien de Cyrano dit de Bergerac, écrivain français du XVII ème siècle, contemporain de Molière (avec qui il aurait eu quelques démêlés), auteur classé libertin qui a écrit une tragédie (Mort d'Agrippine) et deux romans considérés comme les premiers ouvrages de science-fiction. C'est de ce personnage que Rostand s'est inspiré pour sa pièce. Le plus drôle, c'est que beaucoup d'éléments biographiques nous sont parvenus à partir d'écrits d'un de ses amis les plus chers, un certain Le Bret …
Ce qui nous ramène directement au Cyrano de Claude Barma, téléfilm réalisé en 1960 aux beaux temps de l'ORTF.
Avec une remarque préliminaire sur l'image assez atroce de mon DVD, édité par l'INA. Ce n'est, hélas, pas la première fois que je déplore l'état de ces belles œuvres un peu à l'abandon. Quel dommage qu'on ne prenne pas la peine (et les moyens) pour restaurer une œuvre qui appartient à notre patrimoine culturel !
Heureusement, le son est parfait et on peut profiter de l'excellente diction des acteurs, principalement issus du théâtre.
D'un point de vue du texte, le téléfilm de Barma est plus long que le film de Rappeneau et doit donc comporter, peut-être, un peu plus d'éléments de la pièce de Rostand.
Mais c'est la distribution qui mérite surtout d'être évoquée surtout si on la place en perspective avec celle du film de Rappeneau.
C'est Daniel Sorano qui tient le rôle de Cyrano. Ce rôle fut si important pour lui qu'il tint à être enterré avec le costume de Cyrano et son épée … Et, s'il n'a pas la verve – quasi inimitable – de Depardieu, il tient parfaitement la comparaison avec une jolie voix, grave et rassurante. Il laisse transparaître une réelle émotion. Je pense en particulier à la scène où Christian découvre que Roxane n'aime qu'une image de lui-même, celle apportée par les lettres qu'écrit Cyrano. Il est bouleversant dans son refus obstiné de nier une réalité et dans la dernière scène …
Le personnage de Le Bret (l'ami très cher du "vrai" Cyrano) est très bien joué par Jean Topart qui apporte sa gravité (sa profondeur ?) habituelle.
On y découvre toute une galerie de jeunes acteurs qui feront leur chemin ultérieurement comme Philippe Noiret dans le rôle d'un chevalier au verbe haut, Michel Galabru dans le rôle du pâtissier Ragueneau, grand admirateur de Cyrano, Henri Tisot et Philippe Clair dans le rôle de poètes attablés chez Ragueneau (très difficiles à reconnaître) et d'autres comme Michel Beaune, Christian Marin, Pierre Richard, Paul Preboist, … que je n'ai pas réussi à reconnaître même en repassant le DVD …
Et Roxane, alors ? C'est une certaine Françoise Christophe qui interprète le personnage. Elle serait parfaite s'il n'y avait pas Anne Brochet qui se mesurera au rôle de Roxane trente ans plus tard dans le film de Rappeneau. Anne Brochet y joue un personnage très crédible, jeune et fragile, qui a une vision idéalisée de l'amour. Tandis que Françoise Christophe joue le personnage "jeune", beaucoup trop en femme accomplie que le jeu de la carte du Tendre amuse. Bien entendu, elle est parfaite dans la deuxième partie où, veuve, elle est retirée dans un couvent. Et encore, je crois que je préfère la découverte bouleversante par Anne Brochet de l'amour silencieux de Cyrano.
Mais ce ne sont que des nuances. La version 1960 de Claude Barma est excellente et tout aussi passionnante à regarder que le film de Rappeneau. Même si le noir et blanc, assez flou, de 1960 constitue un handicap qui peut en décourager le visionnage.
Cyrano de Bergerac / Rappeneau