Roman Polanski et Olivier Assayas adaptent le succès de Delphine de Vigan. Pour un résultat décevant, très loin des grands heures du réalisateur franco-polonais.


Loin des sommets atteints durant les années 60-70, Roman Polanski continue régulièrement, à 83 ans, de tourner des films. Actuellement sur une série en cours de 2 films moyens (Carnage et La Vénus à la Fourrure), le franco-polonais serait bien inspiré de revenir à des œuvres plus majeures, du style de The Ghost Writer ou du Pianiste. D’APRÈS UNE HISTOIRE VRAIE, tiré du roman de Delphine de Vigan, narre la rencontre entre une écrivaine en proie aux doutes quant à son inspiration (Emmanuelle Seigner) et une femme mystérieuse surnommée “Elle” (Eva Green) qui va s’immiscer avec insistance dans sa vie. Indiscutablement, il y a du Polanski dans cette histoire et on comprend que le matériau de base (adapté en compagnie d’Olivier Assayas) l’ait séduit, tant elle évoque des œuvres paranoïaques/troubles à la Rosemary’s Baby, The Ghost Writer ou Répulsion.Polanski sait introniser à merveille ce qu’on serait tenté d’appeler “l’étrangeté distinguée”, c’est-à-dire une inquiétude liée à des personnages aux bonnes intentions si prononcées qu’elles en deviennent louches. S’il est question de ça avec Elle, le réalisateur franco-polonais ne joue d’aucune ambiguïté vis-à-vis de cette figure et rend clair en peu de temps toute sa substance. Le reste n’est qu’une escalade d’intrusion, de jalousie, de possession. Vaguement drôle – heureusement – D’APRÈS UNE HISTOIRE VRAIE déroule dans la difficulté un scénario qui ne se permet jamais de devenir hanté ou tendu tant on devine les intentions à des kilomètres dans la relation entre les deux femmes. Dés la première apparition quasi-fantomatique de Elle, on voit déjà où le film veut aller. Moins inspiré, Polanski flirte dangereusement avec une imagerie téléfilmesque sans grand intérêt, n’apportant aucun relief à des rapports déjà eux-même réduits drastiquement.


Roman Polanski s’enfonce dans le gâchis avec l’exploitation du duo Emmanuelle Seigner/Eva Green des plus alléchant sur le papier. La tension sexuelle est traitée par-dessus la jambe, et leur association se résume à des échanges verbeux sans réelles profondeurs. Quel dommage de sous-utiliser Eva Green en la faisant cabotiner de la sorte, comme si elle jouait encore dans un Tim Burton. En face d’elle, Emmanuelle Seigner s’en sort, certes mieux avec son jeu fait de nuances plus prononcées, mais l’évolution que prend son personnage et la globale tournure des événements, la limitent très vite dans ses possibilités. C’est de la chair qui manque à D’APRÈS UNE HISTOIRE VRAIE ! Cette histoire de muse chimérique est loin d’atteindre les sommets d’un Ghost Writer (autre film sur l’écriture). Il faudrait plus qu’un final évoquant vaguement et de façon très light Misery, pour nous réveiller. Lorsque le film décolle, c’est déjà trop tard. Si même Polanski ne sait plus investir les thèmes qui lui ont réussi par le passé, c’est que ça commence à sentir très mauvais pour lui.


Par Maxime Bedini pour Le Blog du Cinéma

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le 5 juin 2017

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