"Dainah la métisse" est un film de Jean Grémillon (1931) qui est commercialisé aujourd'hui par Gaumont dans une version de quarante-huit minutes, amputée de quarante minutes par la production. Et encore, le compteur de mon lecteur a fait apparaître le mot fin à quarante-cinq minutes. Au point que Grémillon, pas content, semble avoir renié la paternité de son film.

Le film promettait d'être intéressant et je vais détailler un peu les bases du film, ne serait-ce que pour poser "les données du problème" sans spoiler…

Un paquebot vogue en direction de Nouméa. A son bord, des passagers (riches), un artiste et sa femme, Dainah, l'équipage qu'on peut résumer au commandant, au médecin et à un mécanicien, l'orchestre de jazz.

L'artiste qui assure en soirée des spectacles d'illusionniste est noir. Mais surtout c'est un homme, aisé, qui parait très instruit et sorti de son spectacle, reste plongé dans ses livres et ne se commet pas avec les autres passagers. C'est un homme qui raisonne froidement et logiquement. Il parait indifférent à la liberté de sa femme, Dainah qui se prête à un jeu de séduction des passagers masculins (blancs) du bateau.

En parallèle, de cet homme, l'orchestre de jazz (noir) mène les soirées dansantes. En somme, les noirs (en y incluant Dainah) "manipulent" les blancs … Voilà un point qui ne manque pas de piquant.

Parce qu'en face, que trouve-t-on ? Des passagers masculins qui bavent devant la beauté sensuelle de Dainah, deux vieilles rombières (dont Gabrielle Fontan) qui rêvassent à des amourettes ou qui médisent sur les autres femmes.

On trouve l'équipage (blanc) représenté par un mécanicien qui semble ne pas avoir inventé le fil à couper le beurre et qui n'agit qu'en fonction de pulsions face à Dainah (Charles Vanel).

Et c'est ce renversement total des "valeurs" dites traditionnelles qui est probablement la cause du désamour de la production de ce film et de son massacre …

Maintenant que j'ai bien alléché l'éventuel lecteur de ces quelques lignes, je dois avouer piteusement que ça s'arrête malheureusement un peu là. Au final, je reste très largement sur ma faim car l'intrigue prometteuse est linéaire et ambigüe voire carrément inachevée. J'arrête car au-delà je risque de spoiler …

Alors, bien sûr, on peut mentionner d'autres bonnes scènes comme ce bal masqué où, seuls, les passagers sont affublés de masques expressionnistes tendance surréalistes figeant les traits du visage. Tandis que les musiciens de l'orchestre ont des visages vivants ainsi que Dainah qui ôte son masque (qui lui, ne figeait pas ses traits) et se lance dans une danse endiablée et bigrement sensuelle. On peut souligner le modernisme d'une telle scène. Ferait-on mieux aujourd'hui pour décrire le caractère artificiel de ces passagers et des soirées dansantes sur le bateau ?

D'un point de vue mise en scène, j'ai ressenti une façon de faire très héritée du cinéma muet dans l'expressivité des gestes, une technicité sommaire de la sonorisation qui n'aide pas vraiment à apprécier le film.

La note que je vais mettre à cet embryon de film ne reflète que mon impression globale qui est, quand même, une grande déception quant à la cohérence du film, à l'intérêt de l'intrigue et au manque d'épaisseur des personnages. Bien sûr, on peut toujours rêver à ce que ça aurait pu être. Mais ici la critique ne peut qu'apprécier que ce qui est.

JeanG55
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le 31 oct. 2022

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