Devenu extrêmement rare, cette adaptation de Henry James est pourtant une merveille d'intelligence et d'écriture grâce à la structure du récit et à l"évolution de sa mise en scène au travers de ses comédiens/personnages.
Le début est assez détonnant avec ses dialogues débités à tout vitesse, sans même que les acteurs prennent le temps de respirer, et enregistré dans de long plans toujours en mouvement. Il y une dimension anachronique immédiate qui permet justement de se débarrasser de l'imagerie Viscontienne (auquel je n'ai jamais pensé et dont je suis ne pense pas que Bogdanovich cherchait à se rapprocher) en intégrant les codes de la Screwball comedy : la femme tornade accompagnée d'une famille excentrique qui s'amuse à se moquer d'un intellectuel un peu trop guindé, le tout à renfort de dialogues mitraillettes.
J'avoue que les premières minutes m'ont déstabilisés par cette approche peu commune qui a manqué de me fatiguer... avant de comprendre que tout celà est une apparence de Daisy Miller qui préfère occuper tout le champ, comme pour empêcher à son interlocuteur de réfléchir à ce qu'elle dit ou ce qu'elle montre, plutôt que de montrer ses fêlures, ses doutes et sa peur d'être dans un microcosme qu'elle ne connait pas tout en cherchant cependant à y imposer son style et sa modernité.
Une fois qu'on arrive à Rome, les dialogues se font ainsi moins nerveux, plus espacés et même plus rares avec au contraire beaucoup plus de silence et de jeux de regards et d'observation. Même chose pour les plans qui se font plus courts, plus posés et moins démonstratifs (par contre, la photo est toujours autant classe mais moins lumineuse et plus nocturne avec beaucoup d'intérieur également).
Il en ressort une mélancolie et une incompréhension grandissantes qui finissent pas devenir un véritable gouffre entre les deux personnages. Un jeu de cache-cache innocent et taquin qui se mue en guerre psychologique alimentée par l'hypocrisie d'une aristocratie aux codes immuables. Mais cette critique n'est pas le cœur du récit, ni sa dynamique mais bien un drame à deux qui se termine dans une conclusion déchirante.

anthonyplu
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le 17 avr. 2017

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