DANS L’OMBRE DE MARY – 13/20
Redécouvrir une œuvre à travers l’histoire de sa génèse a quelque chose d’assez exaltant. Cela permet d’une part de regarder le dit chef-d’œuvre d’un œil nouveau (ou du moins de donner envie de le revoir riche de ce nouvel éclairage) et de deux de s’immerger dans le processus créatif des ses auteurs d’où a surgit le classique vénéré. Dans l’ombre de Mary raconte donc la fabrication douloureuse de Mary Poppins pas les studios Disney. Douloureuse parce qu’il aura fallu 20 ans et une situation financière devenue précaire pour que la romancière P.L. Travers accepte de rencontrer Walt Disney pour lui céder les droits d’adaptation cinématographique de son héroïne. Douloureuse aussi parce Travers, qui a un droit de regard sur le scénario, n’aura de cesse de refuser toute proposition des auteurs du script, toute idée qui s’éloignerait de l’histoire originale. Douloureuse surtout parce que l’histoire de Mary Poppins fait écho pour son auteure à un passé traumatisant, sombre, qu’elle ne veut pas voir traduire avec légèreté à l’écran.
C’est ce trouble, cette introspection forcée du personnage de P.L. Travers qui est le plus intéressant dans le projet. L’affrontement avec Disney est amusant mais n’est pas le cœur du film. D’ailleurs, le mogul hollywoodien est traité assez superficiellement et n’apparait que comme un personnage secondaire. On attendra donc pour le biopic polémique qui viendra couvrir les nombreuses zones d’ombre du bonhomme.
L’Ombre de Mary est surtout un très beau portrait de femme qui se révèle au fur et à mesure que ses traumas émergent et que la matérialisation de sa Mary lui apporte un semblant de paix intérieur. Si la réalisation est assez quelconque, elle reste plaisante, souvent drôle et sait mettre en valeur les moments forts du récit, comme les premières notes des chansons mythiques du film, où les scènes de flashback mettant en lumière la relation entre la fillette et son père.
Il fallait toute l’intelligence et la finesse de jeu d’Emma Thomson pour traduire ce mélange de détermination et d’appréhension, d’austérité et de fragilité. Elle emporte aisément l’adhésion et finit par provoquer une émotion assez inattendue dans les dernières minutes.
On pense à Neverland, excellent film sur la genèse de Peter Pan, qui savait également allier la fantaisie et l’imaginaire à une réalité bien plus grave.
Si l’ensemble manque un peu d’aspérités, Dans l’Ombre de Mary est un bien jolie histoire, faisant écho à nos souvenirs d’enfants sans les abîmer. Supercalifragilisticexpidélilicieux en quelque sorte.