"Lisbonne : deux ou trois choses que je sais d'elle. Quartier de Fontainhas, chambre de Vanda. Caméra DV posée au sol je filme cette vieille adolescente, terriblement, solidaire de sa solitude.


Année 2000 : depuis plusieurs mois, moi, petit bonhomme de cinéma, cherche ma place dans les décombres habités par Vanda, Zita, Lena et les autres. Je plante mon troisième oeil au nez de leur misère, épongeant chaque son crachoteux, chaque volute de fumée, chaque parcelle de mur olivâtre. Ma DV témoigne, sans tricher, du quotidien de ces laissés-pour-compte auprès desquels je cherche à me rapprocher, peut-être pour mieux les connaître, sans doutes pour mieux les comprendre, certainement pour mieux les sentir et ressentir, pleinement et simplement.


Dans la chambre de Vanda je suis venu, ai vu puis ai un peu vécu de l'intimité de l'héroïne, de cette punk ibérique vivotant de petits commerces, se shootant à la quotidienne et vendant des salades par-delà les venelles lisboètes. J'ai filmé mes plans comme d'authentiques affaires de morale, rechignant les travellings, zooms et autres panoramiques superflus ; j'ai gardé l'essentiel, à savoir mon sujet, avec pour seul effet la fixité de mon cadre. S'est alors échappée quelque vérité, celle d'une préhistoire inconnue du commun des mortels, celle de Vanda Duarte et de sa chambre, capharnaüm mêlé de couches miteuses, de sacs plastiques et d'aluminium. Mon troisième oeil, ma DV pour ainsi dire, fut un peu comme l'astronaute foulant la face cachée d'un astre inédit, interdit, invisible aux œillères de la bien-pensance.


Vanda crache, Vanda éructe, Vanda fume et invective ses semblables. J'ai décidé de ne rien vous cacher de cette apparente opprobre. À ras du sol ma caméra dialogue sans complaisance avec sa singularité, telle qu'elle est : elle-même, ni plus ni moins.


Dans la chambre de Vanda n'est pas et ne sera pas un documentaire. Ni une fiction. Plutôt un journal de bord auquel je m'attèle, au gré d'incessants clairs-obscur, à capter et surtout montrer la réalité des bidonvilles de Fontainhas. Il pourra s'agir, lors de sa découverte, de l'éprouver comme j'ai pu le vivre : pleinement et simplement."


( Retranscription d'un texte hypothétiquement énoncé par Pedro Costa au sortir d'un mauvais rêve éprouvé une soirée de novembre 2020 par l'auteur de ces lignes ).

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le 9 nov. 2020

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