Hiroshima, quelques années avant la deuxième guerre mondiale. Suzu est une fille rêveuse et maladroite, qui vit une vie tranquille et insouciante avec sa famille. Les tumultes de la guerre sont encore loin. Jusqu’au jour où un homme qu’elle connait à peine la demande en mariage. Si elle accepte, elle devra déménager ailleurs, loin de sa famille. Malgré ses réticences, elle finit par dire oui, et se retrouve à vivre dans une autre ville, avec d’autres personnes qu’elle ne connait pas, près d’une base militaire. Vivant désormais au rythme des exercices de l’armée, elle est un peu déboussolée durant les premiers jours, d’autant que sa belle-sœur se montre plutôt désagréable envers elle. Son mari est aux petits soins, mais elle ne se sens pas vraiment amoureuse, et malgré ses efforts, il reste pour elle un étranger. Heureusement, elle peut compter sur l’adorable Harumi , sa belle-nièce, pour lui offrir un peu de réconfort et conserver sa joie de vivre caractéristique.
Des préoccupations qui vont bientôt devenir bien dérisoires…


« Dans un recoin de ce monde » explore donc le point de vue de civils japonais pris dans les flammes de la terrible deuxième guerre mondiale. Des civils, inquiets par les annonces de la radio concernant l’avancée ennemie, les mouvements de plus en plus accrus des troupes, jusqu’aux premiers bombardements. Les denrées flambent, la pénurie s’installe, obligeant les japonais à s’endurcir et changer leur mode de vie. La guerre est désormais aux portes des citoyens, les bombes pleuvent du ciel, touchent indistinctement les hommes et les enfants. Tandis que de nombreux hommes partis au combat, pères, fils, frères ou amis, ne reviennent pas.
Suzu doit donc se serrer les coudes au sein d’une famille où elle peine à ne pas être considérée comme une étrangère, alors que sa propre famille est loin d’elle.


Le film explore assez longuement la partie insouciante avant les prémices de la guerre, pour bien s’attacher aux personnages. Une partie nécessaire mais sans doute un trop longue. Des passages assez légers qui contrastent avec les tragédies à venir, dont le point culminant est tristement déjà connu par le spectateur : le terrible bombardement d’Hiroshima et de Nagasaki, qui verra le Japon tétanisé et terrifié, ainsi que le reste du monde, par la première utilisation d’un tout nouveau type de bombe à la puissance sans égale.
L’arrêt brutal des communications, un tremblement de terre, une lumière aveuglante, personne n’a encore une idée du désastre qui a frappé le pays. Ce passage fort a été beaucoup documenté par les archives et les récits des rescapés et des témoins.
L’évocation de cette sombre partie de l’histoire du point de vue japonais est toujours intéressante à nos yeux occidentaux, qui voyons l’événement la plupart du temps du côté des américains.


Tout le long, Suzu parvient à garder un certain optimiste naïf, à subvenir aux besoins de sa belle-famille, son époux et de sa nièce. Mais malheureusement la guerre n’épargne personne, et elle finira marquée à jamais, dans sa chaire et son âme, par une déchirure émotionnelle qui n’est pas sans rappeler « le tombeau des lucioles ». A la fin de la guerre, lorsque le feu s’éteindra et la poussière sera retombée, que l’on comptera les morts tandis que les dirigeants discuteront paix, toute innocence aura été à jamais banni.
Comment accepter la paix alors que tant de morts ont déjà péri ? Pour quelles raisons a-t-on donc enduré toutes ces souffrances ? Bien que de nature pacifique, Suzu est dans un premier temps incapable d’accepter cette nouvelle réalité. Le film donne une idée sur le traumatisme que peut vivre une population qui connait la guerre, la difficulté de vivre après, de se reconstruire, de donner un sens à toutes les horreurs qui ont été vécu.
Mais il est un moment où il faudra reconstruire. Des murs, ainsi que de soi-même. Car lors d’une guerre, ce sont bien souvent les dommages invisibles, ceux que l’on ne voit pas, qui ne sont pas de nature matérielle, qui sont les plus graves, et les plus longs à guérir, à supposer qu’ils puissent guérir.
Mais la vie continue malgré tout, en se raccrochant à ce qui reste, aux proches encore en vie. Pour Suzu, c’est la réminiscence de souvenirs d’enfance, rappel de son insouciance d’avant, qui lui montre que tout n’a pas été détruit.


Une première partie assez longue donc, mais qui se compense largement par la suite, avec une intensité émotionnelle qui rattrape largement les premières longueurs. Une beauté et une une puissance émotionnelle bien connus des films d'animation japonais

Enlak
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le 5 nov. 2017

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